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L'amour à Versailles

L'amour à Versailles

Titel: L'amour à Versailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Baraton
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printanier. Dans les feuilles vernissées et odorantes, il l’embrasse, sans passion, sentant dans sa bouche le parfum mortifère de dents cariées. Sans elle, il n’aurait peut-être pas osé résister à sa mère, il n’aurait pas châtié Fouquet, il n’aurait peut-être même pas fait rénover Versailles. Il aurait été un autre homme. Il lui doit beaucoup, mais il ne l’aime plus. Comment se débarrasser d’un amour défunt? Le roi se souvient des conseils de sa mère : Louise servira à masquer sa nouvelle liaison avec Mme de Montespan. Pour ce soleil qui se lève, Louise fait un dernier sacrifice et devient le paravent usé de son ancien amant.

Chapitre 6
    De Paris à Versailles
    En voiture ! La Cour n’est pas encore installée à Versailles, pourtant, entre les fêtes et le chantier, les allers-retours du château à la capitale sont de plus en plus nombreux. Si la route n’est plus le chemin à demi sauvage où l’on croisait plus de loups et de brigands que de relais de postes, elle est loin d’être du grand luxe. Louis XIV, après Catherine de Médicis, a demandé quelques aménagements : la route est désormais suffisamment défrichée pour ne pas être bloquée par le même arbre abattu pendant plusieurs semaines ou jonchée de pierres propres à faire verser les carrosses. A mesure que l’on s’approche du château, elle est de mieux en mieux entretenue, elle est même pavée, si bien que les derniers kilomètres semblent moins longs aux voyageurs. Bref, c’est une route moderne, qui conduit de Paris à Versailles… en moins de six heures !
    Mieux vaut avoir les moyens de voyager dans un carrosse confortable, pas une de ces boîtes roulanteset meurtrissantes, de couleur verte, qui font le trajet pour quelques sous, et doivent, en plus de toutes leurs mésaventures et du manque de confort, céder la place à la berline bleue qui signe la calèche royale. Les plus pauvres n’ont pas même droit à une place à l’intérieur : ils se hissent à côté de l’équipage, soit à l’avant, soit à l’arrière. On les appelle alors les « singes » ou les « lapins » et ils sont sans doute moins bien traités que les chevaux. Le voyage, car – dans de telles conditions, il faut bien parler de voyage – est loin d’être le même pour tous.
    Je ne suis pas un amateur de voitures, pourtant les carrosses me font rêver. Je ne suis pas le seul : tout un musée leur est consacré à Versailles. Situé non loin des Petites Écuries, l’endroit est attaché pour moi à un de mes premiers souvenirs au château. Le musée avait alors pour gardien un Corse, qui, de son accent rocailleux, traînant quoique autoritaire, obligeait les visiteurs à se découvrir devant le portrait de Napoléon, après leur avoir présenté, comme s’il s’agissait de dames, les berlines de gala de l’empereur, la « Cornaline », l’« Améthyste », la « Topaze », la « Victoire », la « Turquoise », l’« Opale » et la « Brillante ». Son intonation donnait à tous ces noms majestueux un petit côté Pagnol du plus beau comique.
    A l’époque de Louis XIV, les carrosses ne sont pas plus modestes – certains ont même un caissonrecouvert d’or – mais ils sont moins confortables. La flèche, la pièce qui relie la caisse aux essieux, rend les irrégularités du chemin insupportables. Le seul avantage est que les cahots sont l’occasion de prendre la main d’une adorable voisine, en espérant qu’elle ne soit pas incommodée. Quant au carrosse lui-même, il est le moyen de se retrouver seul à seul, isolés dans ce qui évoque une chambre roulante tant les tentures peuvent en être abondantes et la banquette moelleuse, le temps de faire sa cour, pourvu que l’on soit riche. Si ce n’est pas le cas, il faudra attendre la halte, le moment de se dégourdir les membres dans quelque bosquet à l’abri des regards. Et rien n’empêche d’avoir conté fleurette au préalable dans la calèche, par allusions, ou en jetant çà et là des coups d’oeil éloquents à quelque jolie compagne de voyage. De toute façon, vu la longueur du trajet, mieux vaut avoir la langue bien pendue !
    La berline qui chemine en ce jour d’octobre 1666 n’est ni bleue, ni verte : sans armoiries, rideaux tirés, c’est la calèche-mystère. Elle est pourtant cossue, un brin tape-à-l’oeil. Discrète, mais remarquable, elle est l’équivalent classique d’une décapotable de luxe. Il faut dire qu’à cette époque,

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