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L'amour à Versailles

L'amour à Versailles

Titel: L'amour à Versailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Baraton
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Nul doute qu’après une telle étreinte, la vertu lui coulait par la bouche. La leçon plaît à Louis XIV à un point tel qu’il lui donne 100 000 livres, puis 100 000 de plus, pour se pourvoir en demeure et en titre, les deux allant à l’époque de pair. Elle achète pour 150 000 livres le château de Maintenon, après en avoir âprementnégocié le prix, devient marquise et empoche le reste.
    Entre autres choses, elle est l’oreille du roi et, rendons-lui au moins ce mérite, plaide la cause féminine, puisque grâce à elle les couturières peuvent enfin se constituer en corporation (auparavant les femmes étaient habillées par des hommes), puis, plus tard, fonde à Saint-Cyr la Maison royale de Saint-Louis, recueillant pour les éduquer des jeunes filles nobles et désargentées. Pour s’assurer la fidélité du roi, elle l’abreuve de principes religieux : il lui parle septième ciel et fellations, elle lui répond enfer et damnation et, en quelques années, le transforme, sur le tard, en bigot. La dernière maîtresse du roi a pour nom repentir. C'est ainsi que Versailles s’agrandit, enfin, d’une magnifique chapelle, construite par Mansard et achevée par Robert de Cotte en 1710.
    Le roi ne tarit pas d’éloges sur elle, communie avec ferveur et va à confesse comme on attend le Jugement dernier. C'est le père Lachaise qui est chargé d’absoudre les péchés royaux. Celui-ci est au coeur d’une anecdote que je trouve assez savoureuse et qui achèvera de montrer la personnalité de Mme de Maintenon. J’ai la preuve que bien qu’âgée, confite en dévotion et mariée au plus royal coureur de jupon (avant Louis XV), elle n’a pas oublié les plaisirs de sa jeunesse. Il s’avère quemême Louis XIV ne parvient pas à la satisfaire. Il faut dire que le roi en vieillissant a perdu en verdeur et surtout en fraîcheur : dents cariées, nez creux, odeur nauséabonde, il n’est guère moins répugnant que son premier mari. Mais il lui offre de charmants laquais dont l’un plus particulièrement allie la discrétion à des épaules confortables et des yeux enjôleurs. Elle a l’audace d’en faire son amant. Un jour, comme elle se languit de son absence, elle lui écrit ce billet enflammé :
    « Reviens donc et ne me laisse plus seule auprès du roi que je n’aime pas la dixième partie autant que toi. Et si tu ne veux pas me trouver bien mal ou morte, viens à minuit, droit dans ma chambre, je donnerai ordre que la porte soit ouverte pour te laisser entrer 1 . »

    Voilà qui est compromettant, d’autant plus que le billet s’égare… dans la poche du père Lachaise ! Le confesseur n’est pas un rapporteur : on lui raconte, mais lui se tait. Il ne manque pas cependant de faire bon usage de la missive. Si le joli laquais n’eut jamais vent du billet qui lui était destiné, à minuit, on frappe à la porte de Mme de Maintenon. Soit que, par coquetterie, elle ne souhaite pas laisser voir les outrages que le temps afaits sur son corps et son visage, soit qu’elle préfère les étreintes nocturnes, elle souffle la bougie, et ouvre la porte. Le père Lachaise s’engouffre et fait le laquais durant quelques minutes. Malédiction, ou justice divine, il tousse ! Il est découvert, et, miracle, reste dans la chambre jusqu’au petit jour. Quoi de plus délicieux pour une dévote que de marier l’extase mystique à l’extase physique !
    Voilà la femme que Louis XIV a choisi d’épouser. A la Cour, puis plus tard à Paris, on moque le mariage du Roi Soleil avec la veuve Scarron. L'affaire donne même lieu à une chanson qui ne manque pas de sel :
    Que dirait ce petit bossu
    S'il se voyait être cocu
    Du plus grand roi de la terre
    Laire la laire lanlaire
    Lalaire la laire lanla
    Il dirait que ce conquérant
    A tant pris qu’à la fin il prend
    Le reste de toute la terre
    Laire la…

    Je n’ai guère de sympathie pour elle : elle me rappelle ces femmes qui s’étant tout permis durant leur jeunesse, l’âge venant, se métamorphosent en prudes et séquestrent leur fille car elles savent pertinemmentce qui va leur arriver : elles l’ont déjà fait. Plus profondément, je lui reproche d’avoir transformé le Versailles merveilleux et baroque, lieu de fêtes et d’enchantements, à peine achevé, en froid mouroir pour dévots. Sous son « règne », le château devient un manoir hanté : elle interdit les bals, bannit les opéras, amende les pièces de théâtre, tance les filles royales

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