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L'amour à Versailles

L'amour à Versailles

Titel: L'amour à Versailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Baraton
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thé ou de chocolat : ici flotte encore le caractère, frivole et tendre, de la reine. Elle y recevait aussi sa marchande de mode, Rose Bertin, ou son professeur de musique, Grétry. C'est là aussi qu’elle recevait la visite de son peintre favori Mme Vigée-Lebrun. J’imagine les deux femmes en tête-à-tête ou sur un de ces délicieux canapés nommé « conversation », se racontant leurs secrets. La reine prenant des poses, posant des questions pour mieux parler d’elle-même, s’inquiétant de la grossesse de son amie, lui prodiguant des conseils et lui parlant de sa fille, qu’elle a eue deux ans plus tôt, lui dit de bientôt tenir le lit, sauf quand elle vient la voir, bien entendu ; et peut-être, si elle est en veine de confidence, lui avoue qu’elle se croit aussi à nouveau enceinte ou lui raconte que le jeune comte suédois, qui lui a fait perdre la tête au bal de l’Opéra, va bientôt revenir et qu’il va lui falloir être courageuse, ou discrète. Pendant ce temps Louise balaye sa feuille de papier d’une sanguine, sans mot, tentant de saisir l’ingénuité et la mélancolie de sa reine et amie, tout en les enveloppant de la douceur et de la complicité qui font tout le charme de ses tableaux.
    Mais la salle que je préfère, c’est la Méridienne. Louis XVI la fit décorer pour que sa femme y vienne reposer le midi, après la naissance de leurs enfants. La pièce est modeste, dans les bleus, apaisante : on dirait une chambre de jeune fille. Il n’y a pas de lit, juste une banquette, petite, pour permettre à la reine, à l’épouse, à la mère, de retrouver l’isolement du temps où elle n’était que jeune femme, attendant l’amour. Marie-Antoinette tenait tellement à son intimité qu’elle fit placarder à l’entrée de ses appartements un code en régissant l’entrée :
    Consigne de la sentinelle de la reine
    La sentinelle de la salle de la Reine ne laissera passer aucun prêtre ni moine inconnu sans un billet du capitaine, même avec un billet du capitaine, il ne les laissera point entrer au grand couvert à moins d’un ordre express.
    Il ne laissera passer aucune autre personne inconnue, de mauvaise mine ou nouvellement marquée de la petite vérole.
    Il ne restera dans la salle d’autres chaises à porteurs, que celle de la famille royale, des princes et princesses de sang.
    Il n’y souffrira rester aucun homme de livrée. La livrée des princes et princesses de sang, du chevalier d’honneur, des dames d’honneur et d’atours, dugrand aumonier de la reine passeront dans l’antichambre.
    Il laissera passer un seul domestique, des cardinaux et des ministres.

    On a beaucoup glosé sur la relation entre Louis XVI, pataud, sans éclat, compagnon encombrant dès le lendemain des noces, mauvais amant, vieux mari précoce, n’inspirant que l’infidélité, et Marie-Antoinette, juvénile, frivole, inconstante et vicieuse comme le sont certains enfants, mais je crois que c’est faire grand tort à Louis XVI et aussi à Marie-Antoinette. Il n’y eut certes pas de passion entre eux, mais ils se comprenaient. Il comprenait que même mère, elle resterait une jeune fille rebelle, amoureuse de la solitude, sensuelle mais sans jamais vouloir d’attachement. Cette chambre en témoigne. Les lignes en sont graciles, délicates, virginales. C'est une chambre de princesse, non de reine de France. C'est là, et non dans les jardins, que je me représente les amours avec Fersen. Je l’imagine, elle, écoutant son coeur battre dans la solitude de la pièce, dressant l’oreille pour entendre les pas du beau comte et futur maréchal. Il arrive, vêtu de bleu, aux couleurs de la chambre, cette chambre si peu propice aux étreintes, sans lit pour deux, avec une seule chaise. Ils sont assis sur la banquette. Il lui raconte ses voyages : il revient d’Autriche, le pays où elle est née. Elle devientnostalgique. A tous les deux, le Nord leur manque. Ils ne parlent pas beaucoup. Il lui caresse la joue, les cheveux, puis les bras. Elle prend un air grondeur et se laisse faire, peut-être même l’aide-t-elle un peu. Et là, dans cet intérieur adolescent, c’est le déshabillage, l’effeuillage de deux jeunes amants qui savent qu’ils ne se reverront pas de sitôt, et que leurs soupirs, de toute façon, ne passeront jamais les portes de cette pièce où il est si malcommode de faire l’amour.
    Rien n’est si parlant que ces petits appartements pour comprendre nos rois et nos

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