L'amour à Versailles
Pompadour
A deux jolis trous sur la joue,
Deux trous charmants où le plaisir se joue.
Ce qui est sûr, c’est que les recommandations de sa mère ont été efficaces : après leur premier rendez-vous, le souverain est fou d’elle, la couvre de présents, fait tout pour la voir et la revoir toujours plus souvent. Elle, de son côté, prétend qu’elle vient à Versailles à la recherche d’avantages pour son époux. Elle obtient les faveurs les plus estimables, celles du roi, mais pour son compte. Au bout de quelques mois à peine, il souhaite l’installer au château. Pour cela, il lui faut un titre. Louis XV cherche une terre à relever , c’est-à-dire à racheter afin de pouvoir attribuer son titre. Il entend dire que le marquisat de Pompadour est en déshérence, faute d’héritier mâle. Jeanne Antoinette Poisson devient marquise au mois de juin, six mois à peine après sa rencontre avec le roi. Elle est même présentée à la reine. Dans son choix, Louis XV ne manque pas d’humour : le marquisat sera un hommage à l’une des spécialités de celle que les héritiers du trône appellent « maman putain ». Les plus pudiques préfèrent dire que Pompadour rime avec amour.
Elle s’établit à Versailles dans le magnifique appartement du Parterre Nord, jadis attribué à Mme de Châteauroux. Elle règne sur le coeur du roi pendant plus de vingt ans. Pour un sensuel comme Louis XV, c’est un record. Le secret d’une telle longévité ? Elle ne recule devant aucun sacrificepour satisfaire le roi. Louis XV est d’un tempérament mélancolique : elle fait tout pour le distraire, monte un théâtre, le théâtre des Petits-Cabinets, s’y donne le beau rôle et met en scène pour son amant des opéras, des pièces de Molière et de Voltaire, des ballets et des concerts. Si Louis XV reste jusqu’à la fin, c’est un succès, s’il applaudit une prouesse, s’il sourit ou verse une larme, un triomphe. On raconte même que la mise en scène se poursuit dans l’intimité et que Mme de Pompadour se déguise pour le séduire, en soldat, en Orientale, en soubrette et même en garçon de ferme. Ce ne sont que des bruits, même si on a retrouvé dans l’inventaire de ses vêtements plusieurs pantalons, dont un bouffant à la turque. Une femme en pantalon, à l’époque, est un scandale bien plus grand qu’une femme infidèle : un siècle plus tard, la mère de Napoléon III, la reine Hortense, déclare ne pas aimer les culottes de zouave parce qu’avec ce genre de tenue, on ne sait jamais ce que les hommes pensent .
Je crois surtout que le succès de la belle Poisson s’explique par sa dévotion… au roi. Elle fait tout ce qu’il veut, non par goût du jeu, mais par soumission. Il paraît d’ailleurs qu’elle était frigide. Elle ne craint pas notamment d’aider Lebel à chercher des filles pour le souverain. C'est ainsi, même si à partir de 1752 leur relation devient platonique,qu’elle reste à Versailles et y garde une grande influence, notamment politique. Son rôle, ainsi que la verdeur de son langage, choquent. Il faut dire qu’elle n’hésite pas appeler ses amies du délicat sobriquet de « ma salope » dans les salons du château. Pire, elle entretient des relations proches avec les Encyclopédistes et a Voltaire pour ami. La Cour la méprise et la jalouse, le peuple l’envie. A Versailles comme à Paris, circulent bientôt des « poissonnades », moquant son gouvernement :
Une petite bourgeoise,
Élevée à la grivoise,
Mesurant tout à sa toise,
Fait de la cour un taudis,
Le Roi, malgré son scrupule,
Pour elle follement brûle;
Cette flamme ridicule
Excite dans tout Paris, ris, ris.
Cette catin subalterne
Insolemment gouverne
Et c’est elle qui décerne
Les honneurs à prix d'argent ;
Devant l’idole tout plie,
Le courtisan s’humilie,
Il subit l’infamie
Et n’est que plus indigent, gent, gent, gent.
Femme subtile, amoureuse des arts et en même temps fragile, elle est l’archétype de la femme-enfant,délicieuse, capricieuse, docile et vicieuse, gardant l’oeil candide et la mine ingénue dans les pires positions, prête à toutes les perversités, contre un chocolat, dont elle était, paraît-il, fort friande.
Chapitre 13
Inventaire
Lorsqu’elle meurt le jour de Pâques 1764, Mme de Pompadour laisse le roi éploré et les caisses du royaume vides. Louis XV mettra plus de dix ans avant de reprendre une favorite, la France ne s’en remettra pas
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