L'amour à Versailles
vraiment puisque moins de trente ans plus tard éclate la Révolution. Si les amours du roi et de la favorite sont restées sans descendance physique, par précaution, mais aussi en raison de quelques malheureuses fausses couches, elles ont donné naissance à un style qui porte le nom de la mère, le « style Pompadour » frivole, dispendieux et émouvant comme elle. Je l’ai admiré dans les multiples propriétés qu’elle fit construire au roi et qu’elle se fit offrir : Crécy, La Celle-Saint-Cloud, à Versailles, à Paris, l’hôtel de la rue Neuve-des-Petits-Champs et l’hôtel Elbeuf, qui n’est autre que l’Élysée. Je connais bien celui de Versailles : en 1751, Louis XV donne à Mme de Pompadour un terrain situé à mi-chemin entre leparc et la ville, où se trouvait à l’origine une pompe élévatrice servant à alimenter en eau les bassins. Elle demande à Jean Cailleteau, son architecte, de lui élever une petite bâtisse à deux étages. Le résultat est une bonbonnière exquise, nommée aujourd’hui l’hôtel des Réservoirs. A la mort de Jeanne, son frère en hérite puis le revend au roi en 1765. Devenu hôtel du gouvernement, le bâtiment est transformé en un véritable hôtel en 1794. Il fut surélevé au XX e siècle et même s’il a perdu de son allure, les plus hautes personnalités ont séjourné dans cette demeure princière. C'est dans ces murs que le jeune officier Charles de Gaulle osa demander à Yvonne Vendroux d’accepter d’être son épouse.
Nous possédons un document aussi touchant que passionnant, l’inventaire des biens de Mme de Pompadour. Son caractère dépensier lui fut violemment reproché : il est vrai que pas moins de sept coffres furent nécessaires pour contenir ses effets personnels et encore certains ont-ils été perdus. On y trouve l’ensemble de ses robes, rangées, pliées avec soin et enfermées dans des malles, transportées à sa mort à l’hôtel de Reynie. Pour moi, c’est un trésor. Il recèle tout ce qu’il faut pour rendre une femme jolie et un homme heureux! Les malles renferment des pantalons de satin, des jupons rayés à empiler, des indiennesbrodées et un adorable négligé de damas bleu, paré de « blondes à bouquets détachés », des casaquins, ces petites vestes ajustées à la taille qu’elle accordait sur différentes jupes, des jupons de mousseline, des coiffes, des manches et pléthore de rubans, noeuds et garnitures de robes. Rien qu’à évoquer ces accessoires, ces « petits bouts de femmes détachées », j’ai l’impression de la voir, elle, de la serrer dans mes bras quand j’embrasse par la pensée les mousselines soyeuses, les satins veloutés et les cotonnades moelleuses. Mme de Pompadour avait un goût pour les accessoires, ce qui faisait, selon les courtisans de l’époque, qu’elle était la femme la plus élégante du royaume. Je la vois bien, jouant à la poupée avec elle-même, se coiffant, se parant, prenant des poses face à sa glace, jamais lasse de sa beauté et de ses artifices.
Ce que je préfère, ce sont les dentelles : elle en avait une malle pleine. A l’époque, la dentelle, c’est le raffinement suprême, des heures de travail, des yeux qui s’usent à dessiner des jours. C'est aussi l’activité féminine par excellence car ce sont les femmes qui la pratiquaient le mieux. Mme de Pompadour possédait les plus précieuses, les dentelles de Bruxelles au point d’Argentan et au point de Bruxelles et même des dentelles de Malines.
On dit qu’elle en était folle : elle ajoutait, cousait, décousait ses parements gracieux à ses toilettespour n’être jamais vêtue de la même façon, avec les mêmes vêtements. Et puis la dentelle, c’est la transparence, le plaisir de voir ou de donner à voir une partie de soi-même, licite et illicite, couverte et découverte. Aujourd’hui elle n’est plus si précieuse, et c’est bien dommage : quel plaisir ce devait être que d’apercevoir un poignet ou un décolleté, trésor caché sous un objet précieux. Avec tous ces parements, ces garnitures, ces cotillons, ces frous-frous, les effeuillages de Mme de Pompadour pouvaient être interminables, pour le plus grand bonheur du roi qui était épris de ce type de botanique ainsi que d’une autre activité jardinière, déguster des fraises sur les seins de ses maîtresses.
Une malle entière est consacrée aux sous-vêtements. L'inventaire se révèle décevant. La plus grande courtisane
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