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L'amour à Versailles

L'amour à Versailles

Titel: L'amour à Versailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Baraton
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d’Hoffman, aux propriétés dignes de contes fantaisistes, mais qui ont le mérite de ranimer le moribond. Dans un râle, Louis XV soupire : « Allez chercher Quesnay. » Quesnay n’est pas prêtre, mais médecin. Il arrive, à moitié réveillé, se trouve fort amusé de la présence du souverain dans le lit de la nouvelle favorite, et plus encore de l’inquiétude des deux dames, car ce n’est pas la première fois que le roi se meurt. Il s’approche, tâte le pouls, sourit, puis annonce d’un air grave : « C'est une indigestion. »
    Cette crainte de la maladie s’explique par son enfance, mais aussi par une fascination pathologiepour la mort. En route pour Crécy, il demande à s’arrêter au cimetière. Il envoie un écuyer à la recherche de tombes fraîches. Lorsque celui-ci revient et annonce trois nouveaux locataires, Louis XV se délecte d’entendre la maréchale de Mirepoix commenter : « C'est à vous faire venir l’eau à la bouche. » Au moment de la terrible affaire de la bête du Gévaudan qui, quelque part sur le mont Lozère, massacre les bergères, le roi exige de voir le monstre, assoiffé de détails, notamment sur les sévices sexuels que « la bestia » fait subir aux jeunes femmes. Des battues sont organisées, et, en octobre 1765, un animal est capturé. Le monarque demande à voir : la bête est préparée, c’est-à-dire empaillée, puis conduite à Versailles. Louis XV est tellement émerveillé qu’il veut garder l’animal. Quelques semaines plus tard toutefois, les agressions repartent de plus belle. Dans les montagnes sombres couvertes de pins et de myrtilles, des femmes sont retrouvées, nues, mutilées, parfois même la tête tranchée. Elles sont six à mourir en 1766 et dix-huit en 1767. Qu’importe ! le roi a eu sa bête et ne se soucie guère de ses nouvelles victimes. Lorsque Jean Chastel, qui a organisé la dernière battue, monte à Versailles avec la dépouille de l’animal, qui est tué au printemps 1767, le roi ne veut rien savoir. Il a eu son monstre empaillé et ce cadavre puant ne l’amuse guère. Chastel reste àVersailles et exhibe la bête, racontant la véritable histoire de la bête du Gévaudan à qui veut bien l’entendre. Au bout de quelques jours, comme tout le château empeste d’une odeur abominable, Louis XV ordonne qu’on chasse le gueux et que la dépouille de l’animal soit enfouie nuitamment dans le jardin. Elle y serait encore.
    Louis XV n’a guère le sens de l’humour, sauf lorsque ce dernier est noir : sa plaisanterie favorite consiste à prédire la mort de son entourage. Si lors de son sacre, à Reims, Louis XV thaumaturge guérit un homme d’Avesnes souffrant d’horribles écrouelles, à la fin de son règne, il préfère se voir en fossoyeur visionnaire et augurer la tombe prochaine. A l’un de ses levers, relate Dufort de Cheverny, il fixe un homme d’une quarantaine d’années, maigre, jeune et long de six pieds et fait appeler son premier médecin, Sénac : « Regardez bien ce grand homme-là. Le voyez-vous ! » Comme le médecin acquiesce, le monarque poursuit : « Eh bien, voyez son teint : il a la jaunisse, le foie est engorgé par des obstructions. Il n’en a pas pour un mois à vivre. » L'histoire ne dit pas si la prophétie fut exacte, toujours est-il que l’homme en fut quitte pour une peur bleue. Un autre jour, au grand couvert, alors que Louis XV s’étonne de l’absence de l’un des invités, on l’informe que ce dernier est mort. Louis XV répond : « Je le luiavais bien annoncé. » Puis, parcourant le cercle des courtisans du regard, il interpelle l’abbé de Broglie avec un large sourire, et proclame : « A votre tour ! »
    Avec l’attentat de Damiens, la maladie imaginaire se mâtine de paranoïa. Non seulement les microbes, les infections et autres pestilences en veulent au souverain, mais les Français aussi. La chose n’est pas nouvelle : depuis l’officialisation de Mme de Pompadour, le roi est en butte à la colère du peuple, reprochant à la favorite de dilapider l’argent du pays, mais aussi à celle des religieux. En 1756, par exemple, les jésuites de Versailles reçoivent le billet suivant : « Vous, mes Révérends Pères, qui avez su faire périr Henri III et Henri IV, n’aurez-vous pas quelque Jacques Clément ou quelque Ravaillac pour nous défaire de Louis et de sa putain ? » Le billet a des allures de menace, celle-ci se concrétise quelques semaines plus tard. Le 5

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