L'amour à Versailles
Louis XVI, qui se demande quelle dévergondée il a épousée. Marie-Thérèse se fâche, et bientôt la vilipende : si le roi ne veut pas, c’est qu’elle ne sait pas y faire. Outre les remontrances maternelles, les libelles parisiennes raillent les empêchements royaux, surtout depuis que la Dauphine est devenue reine, et qu’après déjà quelques annéesde vie commune, il n’y a toujours pas de descendance :
Chacun se demande tout bas :
Le roi peut-il ? Ne peut-il pas ?
La triste reine en désespère.
L'un dit qu’il ne peut ériger,
L'autre dit qu’il ne peut s’y nicher,
Qu’il est flûte traversière.
Ce n’est pas là que le mal gît,
Dit gravement Maman Mouchi,
Mais il n’en vient que de l’eau claire.
Marie-Antoinette n’en peut plus. Le soir, à souper, tandis qu’il se goinfre, elle le crible de boulettes de pain. Louis XVI ouvre la bouche avec bonhomie, avale avec gourmandise, reste coi, puis finit par demander au ministre de la Guerre, Saint-Germain, la raison de cette salve féminine. Le ministre lui recommande en plaisantant d’« enclouer le canon ». De guerre lasse, Louis XVI finit par consulter. On lui détecte une malformation qui rend la pénétration douloureuse. En juin 1774, le pénis royal est opéré… en vain.
Pendant ce temps, Marie-Thérèse s’énerve : l’Autrichienne a le sens de l’État, même matrimonial. Elle délègue, en guise de « professeur ès cabrioles », l’empereur Joseph II pour « engager cet indolent mari à s’acquitter mieux de sesdevoirs ». En avril 1777, soit après sept ans de mariage, Joseph II arrive à Versailles, sous le nom de Falkenstein. J’imagine volontiers la scène, dans les jardins bien sûr : Louis XVI dissertant sur son atelier de serrurerie et l’empereur cherchant désespérément à ramener la conversation sur une autre forme de travail manuel. A proximité d’une statue aux formes engageantes, moulées sur les courbes d’une ancienne maîtresse de Louis XIV, Joseph se racle la gorge et avoue que son voyage en France lui a permis de goûter aux charmes de l’adultère. Louis XVI regarderait volontiers ses pieds s’ils n’étaient masqués par un embonpoint avancé. Devant un éphèbe au sexe minuscule, Joseph attaque et demande au souverain les raisons de sa froideur vis-à-vis de la reine. N’est-elle pas délicieuse, digne de quelques étreintes ? Désire-t-il une femme de Paris, une professionnelle, pour l’initier aux plaisirs de la chair? Préfère-t-il un jeune garçon? Un barbu vigoureux? Versailles recèle tout ce qu’il faut en matière de plaisirs et de curiosités. A-t-il jamais éprouvé de tels sentiments? Ne sait-il pas le bonheur de se satisfaire et de satisfaire une femme? Louis XVI répond qu’il n’en est pas curieux. Joseph cherche l’inspiration, pense à la seule passion qu’il connaît au roi : Marie-Antoinette ne serait-elle pas un bien joli cadenas à déclouer? Un adorable verrou à tirer? Louis XVIse confie enfin : s’il la laisse à la porte, c’est que lui-même ne parvient pas à franchir le seuil. Joseph le regarde avec étonnement : est-il si bien doté qu’il ne peut entrer? Le souverain avoue que sa clef ne convient pas à toutes les serrures tant elle est contournée.
Le cas est inattendu, à défaut d’être unique : l’érection royale à le drapeau en berne. Joseph, en esprit pratique et dégourdi, lui donne un remède fort simple, auquel cependant ni les médecins, ni les lettres de Marie-Thérèse n’ont pensé : la levrette ! Pour un homme, qui comme Louis XVI, est un passionné de chasse, la comparaison est parlante : le soir même il met à profit les recommandations impériale. Marie-Antoinette, jamais plus, ne regrettera les parties de chasse de son époux.
Chapitre 19
Le temple de l’Amour
Dressé sur un piédestal de marbre, le temple de l’Amour est ouvert à tous vents : malgré les arbres, malgré les colonnes gracieuses, le petit Cupidon semble bien fragile, et le temple désespérément vide. Les amours de Marie-Antoinette, qui peut, depuis sa chambre de Trianon, contempler l’angelot, lui ressemblent : beaucoup d’espoir, de sentiments, beaucoup de mise en scène et de falbalas pour un enfant qui, en définitive, dit non de la tête qu’il détourne avec dégoût. Si l’existence de Marie-Antoinette est tragique, sa vie sentimentale l’est encore plus : Mme Déficit fut aussi malheureuse au jeu qu’en amour.
Prenez son histoire
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