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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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Champs-Elysées, le Champ-de-Mars, plus tard sur Saint-Cloud, abandonnant à l’insurrection Paris où les cloches fiévreuses tintaient à presque toutes les églises. La nuit était tombée, moite, étouffante, avec parfois dans le ciel des réverbérations d’éclairs lointains, piquetée d’incendies que, des tours de la Bastille, on voyait s’allumer dans la campagne. Les brigands ravageaient les bourgs sans défense. Dans l’enceinte de Paris, le peuple se vengeait de ses privations en mettant le feu aux barrières de l’octroi, tandis que la racaille forçait et vidait les boutiques de boissons. Cependant les gardes-françaises aidaient le guet à rétablir un peu d’ordre. Ce qui n’empêchait pas une centaine d’ivrognes de retourner à l’Hôtel de ville en réclamant de nouveau des armes. Une patrouille survint à point pour les jeter dehors. L’homme du jour, Desmoulins, parcourait les rues avec un soldat nommé Danican qui avait groupé quelques camarades et des bourgeois de toute condition. Ils se faisaient ouvrir les magasins des arquebusiers pour « armer les patriotes ». Camille était mort de fatigue mais triomphant.
    Dubon, sorti un instant sur la place, écoutait dans la nuit les bruits de la grande ville. Les cloches avaient mis fin à leur sinistre tintement. Un certain calme semblait revenir. L’horloge lumineuse, sous le campanile, marquait minuit un quart. Le ciel était sans étoiles. Pour renforcer la clarté des réverbères que les électeurs avaient ordonné de laisser brûler jusqu’au matin, le guet allumait de grands feux. Ils faisaient vaciller les ombres, mais dans l’air lourd ils répandaient plus de fumée que de lumière. Soudain, Dubon se rendit compte que l’action l’avait guéri de ses coliques. Regagnant la salle, vide maintenant de curieux, il trouva dans la porte, appuyé au chambranle, un gaillard déguenillé, hâve, les cheveux sur les épaules, les pieds nus et très sales, mais parfaitement rasé. Un fusil en bandoulière, la baïonnette au bout du canon, il dépouillait à belles dents un os de mouton.
    « Que diantre faites-vous là, mon ami ? demanda le procureur plutôt estomaqué.
    — Je veille sur vous autres, citoyen électeur, répondit l’escogriffe d’un ton posé. Vous êtes des hommes sages. J’ai confiance en vos vertus. Délibérez sans crainte, la nation vous garde.
    — Eh bien, grand merci, brave citoyen », dit Dubon avec non moins de sérieux.
    Il n’y avait pas à délibérer. Que prétendraient-ils représenter, à eux huit ! À la lueur des chandelles, ils étaient en train de rédiger des convocations pour les soixante districts.
    « Le guet les portera d’ici l’aube, dit Saint-Méry.
    — Il faut, ajouta l’abbé Fauchet, que le comité de la Commune soit élu dès demain, qu’il siège d’une façon permanente, par roulement. Dans la carence de la municipalité, Paris ne doit pas rester plus longtemps sans un pouvoir central. »
    Dubon acquiesça.
    « Il faut surtout, observa-t-il, mettre sur pied cette milice citoyenne que l’on nous refuse. Les gardes-françaises sont trop peu nombreux. Ce n’est pas un régiment, c’est cinquante mille hommes qu’il convient d’avoir.
    — Nous sommes tous d’accord là-dessus, dit Carra. Créer la milice sera la première tâche du comité. Tout cela doit être réglé demain. »
    Cette résolution concernant la garde bourgeoise, on la prenait en ce moment dans plusieurs districts ; certains même commençaient à l’exécuter. Pourtant, le lundi matin, il y eut encore du temps perdu. Flesselles était là, dans la salle Saint-Jean. Il ne s’opposait carrément à rien, et il empêchait tout par ses hésitations dilatoires. « Monsieur, lui dit Dubon exaspéré, le Roi n’a pas plus loyaux ni plus fidèles sujets que nous, mais, si l’on n’y avise au plus vite, demain Sa Majesté régnera sur les ruines de Paris. Votre devoir et le nôtre est de défendre cette ville contre les hordes de gens sans aveu que l’on voit en ce moment sortir de partout. Si vous n’accomplissez pas ce devoir avec nous, nous l’accomplirons sans vous. »
    Il devenait enragé à la fin, le brave Dubon, devant ces autorités sans autorité, qui les avaient conduits, d’hésitations en faillites, à l’anarchie présente. Tout le monde partageait ce sentiment, l’approbation unanime des électeurs et du public le montra bien. Le procureur du Roi près de la ville, Ethis

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