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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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confusion, sois-en sûr. Vois-tu, Lise, et moi aussi, sans doute, nous avons traîné longtemps les… les restes, en quelque sorte, de ce qui a hésité, de ce qui ne s’est pas réalisé avant ta venue.
    — Je le sais. J’ai bien deviné ce qui se passait en vous, ce que tu restais pour elle, ce que je risquais.
    — N’en parlons pas davantage, mon ami. Lise ne saurait être qu’un lien de plus entre toi et moi. C’est grâce à elle que nous sommes devenus des frères. S’il n’y avait pour nous unir que nos idées, notre affection ne serait pas si vivante, ne crois-tu point ? »
    Le surlendemain, les deux bataillons des volontaires de la Haute-Vienne, le 1 er sous les ordres du lieutenant-colonel Arbonneau, ancien capitaine de la ligne, le 2 e sous ceux de Jourdan, étaient rassemblés en deux masses bleu, blanc, rouge, sur la place Tourny, au milieu de laquelle s’élevait l’autel de la Fédération. Le temps se maintenait au beau. Les tilleuls entouraient la place d’une couronne jaune pâle. Au-delà, les prés en pente avaient pris le ton gris-vert de l’automne. Alignés de front sur trois rangs, en formation de compagnies, les volontaires – pourvus enfin de leurs fusils – se tenaient l’arme au pied, les capitaines en avant, les lieutenants un peu en retrait. Les états-majors des deux bataillons attendaient à l’entrée de la place le lieutenant général. Lorsqu’il arriva, accompagné par le commissaire Longeau, Pierre Dumas et le président du directoire, les tambours roulèrent correctement, ils venaient presque tous des gardes urbaines. Les commandements retentirent : « Garde à vous !… Fixe !… Portez vos armes… Présentez vos armes. » Raide sous son épée, Bernard serra les lèvres : derrière lui, au lieu des claquements nets marquant les gestes bien décomposés dans leurs trois temps, s’égrenait une cascade de cliquetis. Malinvaud lâcha tout bas un juron. À un officier général de métier, le spectacle devait paraître affreux. Évidemment, on ne fait pas en quinze jours des soldats de parade. Pour un vétéran de la garde nationale, c’était tout de même humiliant de présenter une si piètre troupe.
    Le général montra de l’indulgence. Il circulait entre les rangs, occupé des fournitures et de l’état des hommes plus que de leur présente instruction militaire. Au vrai, lesdites fournitures ne semblaient pas fameuses. Il avait fallu procéder trop vite. Les uniformes, les souliers surtout ne promettaient guère d’usage. Néanmoins M. de La Morlière se déclara satisfait, faute de mieux. Solennellement, mais avec le minimum de cérémonial – et pour cause ! – il remit à la compagnie colonelle de chacun des deux bataillons leur drapeau. Après quoi le président du directoire et du Conseil général du Département : Pétiniaud Beaupeyrat, monté sur l’autel de la patrie, adressa un bref discours aux volontaires, leur annonçant que le 2 e  bataillon partirait sous deux jours. Bernard eut un serrement de cœur à cette nouvelle pourtant prévue. Jourdan, prenant la tête de sa troupe, ordonnait : « Pour défiler. » – « Conversion de pied ferme par le flanc, commanda Bernard. Par sections, guides à gauche. Colonne par quatre. » Malinvaud, le sous-lieutenant Bazac et les sous-officiers gagnaient vivement leurs places en lançant : « Demi-tour à gauche… Fixe !… Portez vos armes. » Jourdan leva son épée. Le tambour-maître du bataillon fit un sec et bref roulement. L’épée s’abaissa. « Marche ! » dit Bernard.
    Il n’existait pas de manœuvre plus simple : les hommes, rangés de front, opérant un demi-tour sur eux-mêmes se trouvaient automatiquement en colonne par quatre, avec leurs guides en place, signalés par le petit fanion au bout du fusil. Il n’y avait plus qu’à marcher en se réglant sur ces conducteurs. La chose s’exécuta relativement bien. Sans trop de flottement, la compagnie avança derrière le drapeau, le pas rythmé sur le battement – une-deux, une-deux, une-deux, une-deux – du tambour. Les sergents et les caporaux aboyaient : « Alignez-vous sur les guides, bon sang de sort ! Conservez vos distances ! » Vue de loin, la colonne devait ressembler à un serpent plutôt qu’à une troupe en train de défiler. Bernard, si épris de besogne bien faite, quelle qu’elle fût, et habitué aux évolutions impeccables de la garde nationale transformée en virtuose par

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