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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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d’empêcher les bourgeois de dormir.
    Bernard, dès l’abord, vint dîner à la manufacture de porcelaine, où le ménage s’était établi pour le moment chez les parents de Claude. Sitôt après le repas, le jeune capitaine dut partir, désolé. Le surlendemain, un dimanche, étant revenu voir ses amis il comptait sur quelques heures de tranquillité, lorsque Malinvaud se présenta, essoufflé. « Capitaine, annonça-t-il, il faut que tu viennes. Vingt hommes de Saint-Junien ont décidé de rentrer chez eux. Ils sont partis, comme ça. »
    Librement inscrits, sans indication de durée, les volontaires estimaient avoir le droit de rompre leur engagement s’il ne leur convenait plus. La loi ne prévoyait aucune sanction contre eux. On ne pouvait les contraindre. Elle se bornait à flétrir de pareilles défections et à réclamer le remboursement de la solde. Bernard courut après les défaillants, les rejoignit sur la route où ils marchaient bras dessus, bras dessous, en chantant des bourrées. Il les exhorta, s’efforça de leur faire comprendre qu’une parole est une parole, qu’ils se devaient de la tenir, justement parce que l’honneur seul les y obligeait, que les considérations personnelles devaient s’effacer devant les besoins de la patrie. Croyaient-ils que le colonel Jourdan quittait de gaieté de cœur son commerce, sa femme, ses filles en bas-âge ? etc. Il réussit enfin à les convaincre, mais il dut, avec Malinvaud, les raccompagner aux maisons servant de casernes, où il trouva un aubergiste furieux contre la compagnie dont des hommes, disait-il, lui avaient volé six bouteilles de vin cacheté.
    De toute évidence, il fallait s’éloigner de Limoges le plus tôt possible. Tant qu’ils resteraient ici, les volontaires seraient intenables, d’autant que, n’ayant encore ni uniformes ni suffisamment d’armes, ils ne se sentaient pas soldats. Sur les instances des commissaires, soutenus par Pierre Dumas, le directoire départemental s’était décidé à faire l’avance des frais d’équipement pour les hommes et les sous-officiers. On avait en hâte passé des adjudications. Jourdan harcelait les fournisseurs, les autorités, le magasin. Enfin les compagnies commencèrent à toucher leurs effets. Les capitaines durent veiller soigneusement à la distribution avec l’adjudant-major du bataillon et le quartier-maître comptable. Chaque homme reçut pour son habillement un habit, une veste blanche, deux culottes, un chapeau, deux paires de souliers, plus trois chemises, deux cols blancs, un col noir, une paire de guêtres en toile blanche, une paire en toile grise, une paire en tricot, deux paires de bas de coton, deux mouchoirs, un bonnet de nuit ; pour fourniment, un sac à distributions, en grosse toile, une boucle de col, deux boucles de souliers, deux boucles de jarretières, deux cocardes, un tire-bouton, une alêne, un tire-bourre, un tournevis, une épinglette, un havresac en peau de veau, une giberne, des buffleteries. Le magasin avait bien fourni les armes blanches : baïonnette pour les soldats, baïonnette et briquet pour les sous-oflîciers, épée pour les officiers – et même les caisses pour les tambours – mais il manquait encore beaucoup de fusils. Néanmoins, dans leur habit bleu à parements et revers rouges ouvert-sur la veste blanche, guêtrées, culottées de blanc, le bicorne à plumet rouge, un peu de côté, les recrues commençaient à prendre figure militaire, avec un certain esprit de corps. Bernard put alors se reposer un peu sur son lieutenant, son sous-lieutenant, son sergent-major, et se ménager quelque loisir.
    Jusqu’à ce moment, il avait vu Lise au hasard, soit chez les parents de Claude, soit chez les Dumas, les Nicaut, parfois même dans la rue, toujours brièvement, sans pouvoir s’entretenir vraiment avec elle. Seuls leurs yeux parlaient, et encore ! avec prudence ; ce qu’ils se disaient ne devait pas être entendu. Enfin, un samedi – c’était déjà le 20 octobre – Lise lui apprit qu’elle irait, le lendemain, avec Claude et ses parents, passer la journée, à Thias. N’aurait-il pas quelques heures pour les rejoindre ?
    Après avoir pris les ordres de Jourdan, réglé toute chose à la compagnie, Bernard alla emprunter un cheval au père Sage, gagna au petit trot la route d’Aixe puis le chemin de Thias. De nouveau, comme autrefois, l’amour le ramenait vers le village marqué pour Lise et lui par une sorte de

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