L'Anneau d'Atlantide
cadavre qui était tombé face contre terre. Elle sortit de sa poche le couteau suisse dont elle ne se séparait pratiquement jamais, coupa le ruban pourpre qui apparaissait sur la nuque et récupéra la croix d’orichalque, sous l’œil vaguement choqué d’Aldo.
— Vous comptez la restituer au British Museum ?
— Vous voulez rire ? Je suis persuadée qu’on pourra en faire un meilleur usage… Et ne prenez pas cet air pudibond qui ne vous sied pas ! Il l’avait fait voler, non ? Et vous ne savez pas à quel prix !
— Vous me surprendrez toujours, ma chère ! Voici néanmoins un avatar que je ne vous connaissais pas : détrousseur de cadavres !
— Je ne fais jamais que vous imiter ! Qui donc est allé, il y a quelques années, récupérer un rubis malfaisant sur le corps d’un assassin vieux de plusieurs siècles ? Alors, les leçons…
Elle n’avait que trop raison et ce souvenir-là n’était pas le plus agréable parmi ceux qu’Aldo gardait de la longue quête des pierres volées au Pectoral du Grand Prêtre. Il se contenta de la prendre par le bras quand elle eut fait disparaître le précieux objet dans une des multiples poches dont elle avait coutume de pourvoir ce qu’elle appelait ses « tenues de campagne ». En outre, il eût été cruel de la priver du plaisir qu’elle se promettait au moment où elle l’offrirait à Adalbert.
Paisiblement, ils redescendirent vers la barque où les attendait Farid qui leur sourit largement :
— Quand j’ai entendu le coup de feu, dit-il, je suis allé voir si vous n’aviez pas besoin de moi mais je ne suis pas resté. Je crois que Monsieur Henri sera content…
Pendant ce temps, debout sur le roc abrupt d’où s’était précipitée Salima, Shakiar et Adalbert scrutaient, en silence, l’eau noire qu’en cet endroit un tourbillon crêtait d’écume. Aucun d’eux n’avait envie de parler. La princesse s’était contentée de poser sa main sur le bras de son compagnon. Ils restèrent là un moment sans songer à retenir leurs larmes. Enfin, Shakiar murmura :
— C’est mieux ainsi ! Elle est à l’abri maintenant…
Et ils repartirent…
13
Le veilleur
Le petit avion qui avait survolé les ruines ramenait le colonel Sargent mais aussi Abd el-Malik Pacha, chef suprême de la Police royale égyptienne. C’était la fin de Keitoun. Arrêté sur-le-champ et mis en cellule par ses propres hommes – avec une certaine jubilation parce qu’il n’était pas aimé ! – en attendant d’être transféré au Caire pour y être jugé, Keitoun ne fit preuve d’aucune grandeur dans l’adversité, accusant Assouari et ses Nubiens de l’avoir terrorisé, jurant n’avoir jamais tué personne et s’être contenté de fermer les yeux sur les agissements du prince. Condamné à une lourde peine de prison, on apprit par la suite qu’il s’était suicidé, ne pouvant plus supporter une existence sans pistaches et sans narghilé…
Grâce au témoignage d’Adalbert, d’Aldo et de Marie-Angéline, la princesse Shakiar ne fut pas inquiétée. Tous trois déclarèrent d’une même voix devant le haut fonctionnaire qu’elle avait tiré pour tenter de sauver Salima qu’Ali Assouari avait ordonné à ses sbires de jeter au fleuve, ce que les passagers de l’avion avaient pu apercevoir ne s’inscrivant nullement à l’encontre de ce que ces trois-là affirmaient.
Auparavant, cependant, il y avait eu le retour de Sargent auprès de son épouse, retranchée dans l’appartement de M me de Sommières pour y attendre l’issue de cette nuit cruciale, et aussi que la fatigue vienne à bout du vacarme américain.
Lady Clémentine avait montré tant de douloureuse anxiété que l’on aurait pu penser qu’elle se précipiterait en pleurant dans les bras de son époux. Or, il n’en fut rien :
— D’où vient que vous n’ayez pas jugé à propos de donner de vos nouvelles, John ? dit-elle avec une dignité n’excluant pas un léger reproche. Vous m’avez habituée à plus de considération !
Devant cette belle démonstration du célèbre « self control » britannique, le coupable se contenta de sourire :
— Vous me connaissez assez, Clémentine, pour savoir que rien ne saurait entamer ma considération. Simplement, il m’a été impossible de vous appeler. En arrivant au consulat général où je me suis rendu en descendant du
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