L'Anneau d'Atlantide
rôle – court mais déterminant ! – dans le film auquel il conférerait ce qu’on pourrait appeler des lettres de noblesse. Le jazz s’en donnait à cœur joie, soutenu de rires bruyants, de cris même, et l’on pouvait imaginer les autres clients – britanniques ou non ! – réfugiés dans leurs chambres avec du coton dans les oreilles…
Enfin dans ce qui avait été le naos quelque chose bougea. Des ombres noires en émergèrent et s’avancèrent devant les restes de Khnoum et, soudain, deux torches s’enflammèrent simultanément, révélant d’immenses Nubiens en turbans et galabiehs noirs. Il y en avait une vingtaine, à peu près tous semblables :
— Pas besoin d’aller chercher plus loin les assassins d’El-Kholti, souffla Aldo. Je crois que les voilà !
— Ceux d’Ibrahim Bey aussi, je suppose. Ils sont nombreux, hélas !
— Chut… ! Voici leur patron !
Ali Assouari vint prendre place sur le devant entre les deux porteurs de torches. Sous le haut tarbouch rouge à gland de soie, son visage paraissait aussi sombre que son vêtement, l’espèce de redingote descendant jusqu’aux genoux, à col officier, que portaient les notables égyptiens en cérémonie. Autour du cou un ruban pourpre soutenait un étrange bijou : une croix ansée qui pouvait mesurer quinze ou seize centimètres, faite d’un métal qui brillait comme de l’or.
— La croix volée au British Museum ! commenta Aldo. Il l’arbore comme un trophée !
— J’apprécie moins ce qu’il tient dans sa main droite !
Contre le pli du pantalon, la flamme d’une torche venait d’allumer l’éclair sinistre d’une lame d’acier. Assouari arrivait au rendez-vous qu’il avait fixé avec un sabre nu. Aldo sortit son revolver, débloqua la sûreté et inséra une balle dans le canon.
— On dirait que vos prédictions sont en défaut, constata-t-il amèrement. S’il ose lever son coupe-chou sur Adal, je ne le louperai pas !
Sans répondre, Marie-Angéline tira un pistolet de sa ceinture et l’arma.
Cependant, appuyé sur son sabre, Assouari s’était avancé d’un pas et se mettait en position d’attente… Quelques minutes s’écoulèrent.
— C’est Adalbert ! émit en sourdine Aldo dont la gorge se serra.
L’archéologue venait effectivement d’apparaître en haut des marches, suivi d’un Nubien braquant un fusil sur lui. Ce dont il ne semblait pas se soucier outre mesure. Aldo ne put s’empêcher d’admirer son allure.
Portant avec élégance un smoking impeccable, il fumait une cigarette aussi tranquillement que s’il participait à une réunion mondaine mais s’en débarrassa quand, en prenant pied sur l’esplanade, il découvrit son comité d’accueil. On put même le voir sourire :
— Il est magnifique ! exhala Marie-Angéline avec une ferveur qui accéléra les battements de son cœur et mouilla ses yeux.
— Il n’y a pas que vous à avoir eu des ancêtres aux croisades : lui aussi !
Cependant, Adalbert s’était mis en marche et progressait d’un pas tranquille vers son ennemi. À mesure qu’il approchait, son sourire s’accentuait mais nuancé de mépris. À quelques mètres il s’arrêta, et on put même l’entendre rire :
— Impressionnant ! plaisanta-t-il. On se croirait au théâtre du Châtelet (17) . Mais ce déploiement était-il si nécessaire pour une simple transaction ?
— Ce n’en est pas une. Vous avez l’Anneau ?
— Sans lui, je ne vois pas ce que je viendrais faire ici !
— Montrez-le-moi !
— Non !
— Non ?
— Auparavant, je veux voir M lle Hayoun !
— C’est impossible !
— Dans ce cas…
Adalbert avait pâli mais, insoucieux en apparence du mortel danger qu’il laissait derrière lui, il tourna les talons pour retourner au bateau. La voix moqueuse de l’Égyptien le rattrapa aussitôt :
— En revanche, je peux vous montrer la princesse Assouari ?
Lentement, Adalbert fit demi-tour :
— Vous l’avez épousée ? En dépit du fait…
— Que nous sommes du même sang ? C’est une tradition égyptienne vieille de plusieurs millénaires. Vous devriez le savoir, vous qui êtes égyptologue ? À présent j’attends vos vœux de bonheur ! Donnez-moi l’Anneau !
— Pas question ! Quel que soit le nom dont vous l’affublez, je veux la voir avant !
— Rien ne m’oblige à vous
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