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L'année du volcan

L'année du volcan

Titel: L'année du volcan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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tremblaient. Il était temps de rompre l’entretien. Nicolas le serra dans ses bras et partit sans se retourner. Il n’avait pas de temps à perdre. Il devait préparer son porte manteau, adresser des lettres à sa sœur Isabelle, religieuse à Fontevraud, et à son fils Louis, officier dans le régiment de Monsieur en garnison à Saumur.
     
    La soirée rue Montmartre fut paisible. M. de Noblecourt était de sortie, convié par extraordinaire à l’un de ces soupers offerts par un de ses contemporains. Il reparut assez tôt et Nicolas, prévenu par Catherine, courut le saluer.
    — Ah ! Comment se porte notre commissaire si peu présent que je doutais que vous habitiez encore dans cet hôtel.
    — La réciproque est tout aussi vraie, repartit Nicolas en riant. Plus mondain que vous par ces temps, on ne peut rencontrer en la ville !
    — Peuh ! Pauvre table, vin aigre et jacasserie de radotage. J’eus tort d’accepter. Il ne faut point, vieillard que je suis, fréquenter ceux de son âge. Ils ajoutent à nos maux en commentant les leurs et radotent en arrière au lieu de regarder le siècle en avant. Vive la jeunesse qui nous ravigote, balançant nos soucis avec son enthousiasme !
    — J’aime vous voir dans cet état grinçant et plein d’alacrité. Quand l’acide est dans la tête, il n’est pas dans le pied et la goutte s’enfuit, effrayée.
    — Allons, ne la nommez point. Elle est comme le diable, elle accourt quand elle entend son nom. Avez-vous soupé ?
    — Certes, Catherine m’a régalé de pieds de veau sauce moutarde et de son habituelle salade au lard.
    — Cela me semble réjouissant et bien loin de l’ étique dont je fus gavé dans ce vieux marais !
    — L’ éthique est donc une gourmandise morale, ce dont je ne me doutais guère.
    — Fi ! Je crois qu’il se moque. Quid novi , mon bon Nicolas ? Votre enquête progresse-t-elle ?
    — Elle avançait, et va poursuivre son difficile chemin par des méandres dans lesquels je ne la suivrais pas, étant sur le départ pour Londres.
    — Londres ? Est-ce possible ? Encore ! Que voilà une bien périlleuse destination.
    Nicolas expliqua brièvement au vieux magistrat les raisons de son déplacement et la mission dont il était chargé. Le menton dans la main, Noblecourt réfléchit un moment.
    — Outre les périls de la chose, pour efficaces que puissent être les protections dont vous jouirez, vous serez honni par le comte d’Adhémar et vomi par la coterie Polignac qui cherchera à vous détruire dans l’esprit de la reine.
    — J’ai quelques garanties de ce côté-là, et le roi.
    — Le roi, le roi, que peut-il en vérité ? Sait-il faire régner l’ordre parmi les siens ? Parvient-il à dominer la reine ? Soumet-il à sa volonté ses entours et ses favoris ? Il me semble que sans prudence Vergennes vous oblige à affronter un domaine redoutable. Il vous faudra beaucoup de courage et de droiture pour résister aux menaces et aux pièges qui vont s’ouvrir sous vos pieds. Et je ne parle pas des Anglais.
    — Allons, il ne s’agit que d’un aller et retour, d’un entretien à l’ambassade et d’une discussion avec l’un de ces folliculaires écrivailleurs d’horreurs. Cela n’ira pas plus loin.
    — Je crains que vous ne considériez qu’un ciel par trop serein alors que souvent il prélude à l’orage.
    La conversation se poursuivit un long moment. Nicolas ne parvint pas à dérider Noblecourt, que son départ contrariait. Depuis quelques mois le caractère jovial et ironique du vieil homme semblait s’assombrir. Était-ce des soucis de santé ou encore l’avancée dans un âge où peu à peu l’inéluctable s’imposait ? Il ne pouvait que constater les effets de cette dérive et s’attachait, avec les proches du magistrat, à en divertir les conséquences. Il déplora devoir susciter une nouvelle alarme et tourmenter ainsi Noblecourt dont il connaissait la sollicitude à son égard depuis tant d’années. Il rejoignit son appartement suivi de Mouchette, elle aussi inquiète, qui gémit sourdement quand elle le vit sortir son portemanteau. Il prépara son bagage, écrivit ses lettres à Isabelle et à Louis. La pensée d’Aimée le saisit. Il n’avait pas le temps de la revoir et de lui expliquer son absence. Il décida de lui adresser un billet dont l’ardeur compensait la brièveté. Ceci achevé, il se coucha et, l’âme tranquille, s’endormit aussitôt.
    Dimanche 20 juillet

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