L'année du volcan
Aimée d’Arranet devant rentrer à Montreuil pour reprendre son service le matin suivant. On remercia l’hôte, on félicitaCatherine. Bientôt Nicolas et Noblecourt se retrouvèrent seuls.
— Mon ami, vous me semblez épuisé. Je vous ai observé. Vous avez à peine touché aux plats.
— C’est vrai. Cette expédition réclame maintenant son dû.
Il expliqua à Noblecourt les détails qu’il n’avait encore pas eu le temps de lui exposer.
— Je comprends mieux votre état. Mais ancrez-vous sur une certitude, vous avez épargné à Louis le drame affreux qu’eût été la révélation de ses origines, et je ne parle pas de vous ! C’est l’essentiel. Quant à la réputation des grands, c’est un combat perdu d’avance. Sous peu d’autres écrits renaîtront des cendres de ceux qui ont été détruits. Ces rumeurs nourrissent les cabales et le peuple s’en repaît et s’en amuse. Peut-être ne mérite-t-il pas ce roi vertueux ? Qui sait ? Une habitude néfaste avait été prise, qu’il a rompue. La vertu n’a pas bonne presse dans l’opinion. Où en êtes-vous de l’enquête sur le vicomte de Trabard ?
— Hélas ! Tout se multiplie à l’infini. Les soupçons et les présomptions s’accumulent sans qu’aucun fil conducteur ne nous permette encore d’organiser tout ce désordre.
— J’ai le sentiment que tout ce qui fait nombre se réduit à une seule unité.
Nicolas ne releva pas ce propos une nouvelle fois obscur de Noblecourt. À quelle pensée pouvait-il correspondre ? Il se faisait tard. Il prit congé et remonta dans ses appartements. Sa lassitude s’accrut. Il se dévêtit, s’allongea, et médita les yeux ouverts. Il ne parvenait pas à formuler une idée qui lui battait l’esprit, passant et repassant sans qu’il la pût saisir au vol. Il savait pourtant qu’elle lui offrirait une porte ouverte vers une esquisse de solution. Il finit par s’endormir.
Son sommeil fut agité. Plusieurs fois il frappa la muraille, obsédé par la pensée de l’enfermement. Enfin la fatigue le terrassa et il sombra dans un lourd sommeil qui le mena jusqu’au petit jour.
Jeudi 31 juillet 1783
Au Grand Châtelet où Nicolas s’était rendu très tôt, les questions se multipliaient. Pourquoi Diego Burgos détenait-il un papier appartenant à Trabard ? Que pouvaient signifier les fragments de mots découverts sur les restes calcinés du document rue d’Enfer ? Quels redoutables secrets abritait l’Hôtel de Trabard dont chaque occupant pouvait avoir intérêt à la disparition du maître ? Les raisonnements tournaient à vide sans qu’aucune esquisse de solution n’apparût. Le silence emplissait le bureau de permanence quand le père Marie surgit, riant et ricanant à la fois.
— Nicolas, tu as de la visite. Et du beau sexe, la qualité et la quantité !
Il claqua des doigts.
— Une dame ?
— Dame ? C’est vite dit. Deux dames dont l’une que je connais.
— Ah, bah !
— Oui, c’est Mme Paulet avec une volaille de son acabit.
— Allons, allons, du respect pour les dames. Fais-les entrer.
Le père Marie se retira en marmonnant d’indistinctes considérations. Il revint aussitôt. Au spectacle qui s’offrit à ses yeux, Nicolas trouva justifié le mot de volaille utilisé par l’huissier. Tout d’abord apparaissait la frêle silhouette de la Bourdeille, l’air accablé, renouant son fichu sur sa maigre poitrine. Tout était gris chez elle, le teint, la vêture et l’attitude générale. Derrière elle un monstre de mousseline rose la dominait de son ampleur dans un nuage de poudre. La Paulet, armée d’une ombrelle, en piquait les reins de sa consœur, maugréant de vertes insultes. Tout était rose ou rouge chez la maîtresse du Dauphin couronné , le visage, la tenue et l’humeur. Elle paraissait quelque gros oiseau exotique, un perroquet aux plumes chatoyantes, piaillant et criant.
— Quel bon vent vous amène, chère Paulet ?
— C’est la faute de cette bécasse.
Et ce disant elle lui asséna un fort coup sur l’épaule.
— Cette bécasse, comme vous dites, est Mme Bourdeille que nous connaissons bien.
— Pitié ! dit l’intéressée. Pitié, monsieur le commissaire.
Et elle se mit à pleurer.
— Madame ? À cette grue ? Paix, la bête ! reprit la Paulet multipliant les coups. Que ta bêtise t’étouffe, carogne !
— Prenez place, Paulet. Expliquez-nous cette surprenante arrivée.
— Tu connais la
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