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L'année du volcan

L'année du volcan

Titel: L'année du volcan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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le troisième vingtième, la subvention sur les vins. Sans compter la jauge et le courtage, les droits d’entrée, de sortie, ceux de gras, d’octroi, et j’en passe.
    Cette énumération suscita un rire général.
    — Non, non, je n’en ai pas achevé. Les impôts exigés par les douanes et mis sur les draps, toiles, cuirs, chapeaux, soieries, dentelles, papier, bœufs, veaux, moutons, cochers, volailles, gibiers, eau-de-vie et liqueurs.
    — Poitevin, servez monsieur, voyez comme il s’assèche et s’étrangle.
    — Il en reste ! L’artiste de l’estampe n’a pas oublié le don gratuit, surnommé sous Louis XIV le don forcé, l’imposition sur les bestiaux, bois, charbons et foins. Courbé sous ces faix, le bon bourgeois se repose sur une borne, suant et haletant. Il a l’air d’avoir marché, les jambes tremblantes et ployées sous l’énormité du fardeau. La voiture du roi passe devant lui et tout chargé qu’il est, il braille de toutes ses forces, se tenant les côtes : « Vive le roi, vive le roi ! »
    Le rire se renouvela et l’on but à la santé du conteur.
    — Ils ne le crieront pas toujours, murmura Bourdeau entendu du seul Nicolas, un jour ils rejetteront la hotte et tout ce qu’elle contient et décideront eux-mêmes…
    Le commissaire s’inquiétait chaque fois davantage des propos si souvent tenus par son ami. Ils semblaient de sombres présages appuyés, il devait le reconnaître, sur les tristes réalités de la situation du royaume.
    Catherine attendait que la conversation s’apaisât pour annoncer le plat suivant. Un geste de Noblecourt lui donna le branle.
    — Voilà la suite. Je la dois à une rezette que m’a gonfiée un grand voyageur.
    Elle lorgna sur Semacgus qui prit un air modeste et contrit.
    — Ah ! Le fourbe, dit Noblecourt, il corrompt ma maison !
    — De toute façon, rétorqua Semacgus, le plat est trop violent pour vous. Nous vous avons réservé autre chose.
    — Non seulement il commande à l’office, mais il prescrit mon régime. Je serais mieux à la Bastille au tarif de la pistole.
    Catherine haussa le ton.
    — Vais-je bouvoir barler à la fin ? Je vous brésente les tendrons de veau au kari du Bengale. Les tendrons rebosent un temps dans de l’eau froide salée pour en faire sortir le sang. Ensuite, on les fait blanchir, ces mignons, dans un fort bouillon. Alors là il faut faire une sauce courte liée avec des jaunes d’œufs que fous assaisonnez avec la poudre de kari. Le tout doit laisser dans la bouche une saveur brûlante. Enfin, j’ajoute au ragoût des artichauts frits à la romaine, des topinambours et de betits oignons.
    — Et cette poudre de kari, d’où la prenez-vous ? demanda La Borde.
    — Je l’ai gonfectionnée sur les conseils d’Awa. J’ai acquis les éléments chez un épicier et un apothicaire. Quatre onces de biment, nommé enragé, d’une force extraordinaire.
    — De quoi faire doubler l’orteil d’un goutteux ! lança Semacgus qui fixait Noblecourt.
    — … trois onces de racine de curcuma, du boivre fin, un demi-grain de girofle et un grain de muscade en poudre. Vous bilez tout cela ensemble et une fois bassé au tamis, la poudre de kari est prête.
    — Tout cela est bel et bon, et le goutteux ? Il va vous contempler ?
    — Taisez-vous, monsieur, le meilleur est à venir. Bour fous, un petit coquelet, farci de godiveau de veau, braisé et enveloppé de pâte légère. Le tout arrosé d’une fine sauce au vin de Madère. Alors, si cela ne fous convient pas, Pluton s’en satisfera.
    — Non ! N’en faites rien. Je m’en contenterai, belle Catherine.
    Une onde de rire secoua la table.
    — Et pour calmer le feu de ce plat, ajouta Poitevin timidement, nous servirons un vin de Bourgogne.
    — Pour revenir à notre propos, dit La Borde, l’opinion est inquiète en dépit de la satisfaction que cause l’heureuse issue de la guerre.
    — Au cours d’une promenade que fit la princesse sur le boulevard, dit Aimée, nous avons vu un cabinet de figures en cire représentant les fameux scélérats. L’aboyeur qui rameutait le public criait aux passants : «  Voici, c’est ici qu’on voit de fameuxvoleurs  ». Un inconnu, bien mis d’ailleurs, a crié : «  Monsieur le prince de Guémené y est-il ?  »
    — Il est de fait que la banqueroute du prince de Guémené 30 a fait bien des victimes. Beaucoup de gens modestes qui avaient placé leur pécule en ont été

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