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L'année du volcan

L'année du volcan

Titel: L'année du volcan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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ruinés.
    — Il y a clameur dans le petit peuple, ajouta Bourdeau. Ceux qui ont été les plus atteints étant des domestiques, de petits marchands, des portiers qui, confiants dans un grand nom, portaient leur épargne au prince.
    — On rapporte, dit Semacgus, qu’il a ramassé de l’argent partout. Il aurait eu des recruteurs d’argent à Brest et dans tous les ports de Bretagne pour séduire les pauvres matelots. Un Attila !
    — C’est, reprit Bourdeau, que tous ces pauvres gens étaient éblouis par l’apparence d’un placement avantageux et, fascinés, se laissaient gruger tout leur argent.
    — Ce kari a du feu et de la douceur à la fois. Les artichauts et les racines en adoucissent l’ardeur.
    — Vous parlez d’or, chère Aimée. Au Bengale, où je fis plusieurs fois escale, on calme le feu des piments en mangeant de la noix de cocotier râpée. Sa suavité est souveraine.
    — Il est fâcheux, dit Noblecourt sentencieux, que ceux qui doivent donner l’exemple soient ainsi mis au carcan devant l’opinion. Le prince avait reçu plus de trente millions de livres et n’a que six millions d’actif.
    — La haute noblesse n’est pas seule à défrayer la chronique, dit Bourdeau. Le clergé même en est éclaboussé. En mai, un crime atroce a été découvert, que l’Église veut dissimuler. Un curé des environs d’Orléans avait rendu grosse sa servante. Il avaitcaché la pauvre fille dans son presbytère afin d’y attendre ses couches. Il lui a rendu les services d’une sage-femme et, de suite, a enterré le fruit, vivant ou mort, sous un arbre.
    — Mon Dieu, fit Aimée, le vilain !
    — Devant les reproches et le désespoir de la mère, il l’a empoisonnée. Son jardinier, un déserteur recueilli, avait traversé ces crimes. De crainte d’être dénoncé, le curé l’a trahi. Arrêté, il a fini par accuser le prêtre et dévoiler toute l’histoire.
    — Fi, quelle horreur !
    — Confucius disait que c’était dans la mauvaise saison qu’on s’aperçoit que les pins et les cyprès ne perdent pas leurs feuilles.
    Les assistants se regardèrent, perplexes devant l’incongruité de ce propos inattendu de leur hôte. Nicolas, sans doute plus habitué aux saillies de Noblecourt, renoua habilement le fil de la conversation.
    — Il est vrai que la sagesse des talapoins et de toute cette philosophie qui nous vient des Indes orientales exprime, sous une forme gazée, bien des vérités.
    — Et cette sentence signifie ? demanda La Borde.
    — Elle souligne que lorsqu’une société est frappée de troubles, de crises, tout s’effondre et la morale en premier. C’est alors que surgissent des caractères exceptionnels qui préservent et exaltent l’honnêteté et la vertu.
    — Je connais, remarqua Semacgus, des fleurs splendides qui naissent des ordures les plus infâmes…
    Noblecourt dodelinait de la tête, l’air satisfait.
    — Nicolas a bien compris ma sentence. Elle marque mon espérance qu’en dépit de ce que noussubissons, une renaissance est possible. Il faut avoir touché le fond pour donner le coup de talon salvateur.
    Le souper continua. Nicolas entendait les conversations dans une semi-conscience. Les paroles de ses amis lui parvenaient sans qu’il en comprît le sens. Il ressentait le contrecoup de son aventure. À cette impression physique s’ajoutait une espèce de fatigue morale, une langueur inaccoutumée. Il avait sans doute mal mesuré la tension éprouvée au cours de sa mission en Angleterre. La violence avait ses conséquences. Celle qu’il avait subie, mais aussi celle que son action avait déclenchée. Par instants Semacgus, inquiet, le considérait avec attention. Marion avait desservi et apportait le dessert.
    — Pour bien digérer, je vous ai brébaré une glace aux bêches blanches. Des fruits bien mûrs écrasés avec la main sur lesquels je verse une chopine d’eau. La bouillie doit infuser deux bonnes heures. Ensuite je basse le tout à travers un tamis en la pressant sans la remuer pour en exprimer tout le jus. J’y ajoute une demi-livre de sucre et je fais prendre à la glace.
    Un silence approbateur salua le premier temps de la digestion.
    — Il y a là, dit Semacgus, quelque chose qui relève le délicat de ce sherbet .
    Catherine se mit à rire.
    — C’est bour mettre du cœur au fentre aux grenadiers ! Un jet de schnaps au dernier moment. Cela fait ressortir le goût du fruit.
    Le souper prit fin peu après,

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