L'année du volcan
Nicolas.
— Soit.
— Et qu’il ne peut que favoriser la recherche que j’envisage, par indulgence pour celui qui porte son nom.
— Que voilà une curieuse et intrigante conclusion.
Nicolas fouilla dans sa poche, en sortit son carnet noir qu’il ouvrit pour y prendre de petits fragments jaunes.
— Observe cela, qu’en déduis-tu ?
— Je t’ai vu ramasser cela sur le dallage du cachot de Bezard. Mais sans mes besicles…
— Eh bien, chausse-les et dis-moi ce que cela t’inspire.
Pendant un long instant l’inspecteur examina le fragment, le malaxa, le sentit et hocha la tête.
— M’est avis qu’il s’agit de cire de bougie.
— Tu opines justement. Il s’agit bien de cire. Mais de bougie, je n’en suis pas assuré. L’état du Trésorétant ce qu’il est, il est peu probable qu’on fournisse aux prisonniers de la Bastille des bougies de cire fine. Les chandelles de suif suffisent bien. Donc ces fragments de cire ont été apportés à la semelle de souliers qui avaient écrasé cette matière quelque part. Il peut s’agir de bougie d’un appartement particulier, mais plus vraisemblablement d’une matière que l’on rencontre en abondance dans d’autres lieux, et de cette constatation nous pouvons tirer quelques suppositions vraisemblables.
— Tu suggères que la cire pourrait provenir de cierges utilisés dans les couvents.
— Dans les monastères ou les églises. As-tu remarqué la couleur et la mollesse de cette cire ? Pour les cierges, on utilise un mélange qui brûle plus vite et coule rapidement. C’est tout bénéfice à la fois pour ceux qui les vendent et pour ceux qui les proposent à la piété des fidèles.
— Ainsi donc, le capucin pourrait être un vrai moine et non un imposteur déguisé en religieux.
— Cela ouvre bien des perspectives et ne va pas simplifier notre tâche.
— Sus aux capucins ! Haro sur le froc ! La barre sur le frappard !
— Modère ton ardeur. Cela n’exclut pas la possibilité d’un inconnu qui fréquente les sanctuaires. Je crois que nous allons faire une petite visite impromptue au comte de Cagliostro. Son hôtel, rue Saint-Claude, est tout proche.
— Et d’ailleurs il nous reste à interroger le chirurgien de la Bastille.
Ordre fut intimé au cocher de faire demi-tour et d’obliquer vers le boulevard. Introduits par un valet, les policiers attendirent un moment le maître dulogis qui apparut en habit violet, tout constellé de petites étoiles d’argent. Bourdeau considérait avec étonnement le personnage dont l’accueil sans excès d’amabilité surprit Nicolas.
— Monsieur le marquis. Ié n’ai guère de temps à vous consacrer, étant convié à un dîner auquel j’allais me rendre. Un autre jour, peut-être. Venez mé demander à souper un soir prochain.
— Mille pardons, monsieur le comte. La requête est urgente car j’enquête avec l’inspecteur Bourdeau sur un meurtre, supposé tel, perpétré cette nuit au sein même de la prison de la Bastille.
— Ié né voudrais pas être discourtois, mais votre ingérence me dérange et j’estime…
L’irritation aggravait l’accent italien du grand cophte.
— Je suis au désespoir, mais si vous refusez cet entretien, nous aurons le regret de vous inviter à monter dans notre fiacre et la conversation se poursuivra au Grand Châtelet.
Cagliostro tapa le sol de son talon, ce qui fit tinter l’ensemble de ses chaînes et breloques.
— Vous connaissez ceux qui mé protègent. Il suffit d’oune mot…
— Que vous ne prononcerez pas, car vous êtes trop sage pour braver les autorités d’une nation qui vous accueille et trop courtois pour refuser de parler à quelqu’un qui a eu l’honneur de souper à votre table.
Le comte eut un demi-sourire.
— Soit, vous mé forcez la volonté et mé prenez par les bons sentiments. Qué voulez-vous savoir ?
— Vous receviez hier soir.
— C’est oune fait, quel mal y a-t-il à cela ?
— Aucun. Quels étaient vos invités ?
— Renato Calvi, un Vénitien de mes amis. Le comte et la comtesse de la Chevrolière, Mme de La Motte-Valois qué vous connaissez, M. Delon de Lassaigne, médecin du roi, en charge de la Bastille.
— Comment l’avez-vous connu ?
— La Bastille est notre voisine. Il avait eu vent de mes méthodes et de mes cures miraculeuses. Il m’a approché pour en discuter avec moi. C’est oune homme curieux et plein de talents. C’est ainsi qué
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