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L'année du volcan

L'année du volcan

Titel: L'année du volcan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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du procureur.
    — Demeurez, je réfléchissais. Votre affaire commence mal. Vous avez un cadavre, vous avez le modus operandi probable du guet-apens, vous disposez de présomptions sur les proches de la victime. Plusieurs autres éléments conduisent encore à multiplier les interrogations. Tout cela doit être mis en relation avec l’intervention de la reine. Qui l’a informée ? Pourquoi l’a-t-elle été ? Agit-elle pour ses propres intérêts ou pour ceux d’autrui ? La question est brutale, je le conçois ; elle vous agite, je le comprends. Cependant elle se doit énoncer, car seules des bases claires, fondées, solides, peuvent étayer votre enquête. La clarté est enfantée par l’obscur.
    — Voilà, hélas, parfaitement résumée la nasse dans laquelle je me débats.
    — Que comptez-vous faire maintenant ?
    — Laisser dormir la rue d’Enfer. Qu’ils se rassurent.
    — Mais encore ?
    — M’appuyer sur les rochers. La mer est mouvante, mais toujours existent des points fermes. Engager donc un travail de police sans éclat, à petits pas. Y a-t-il un testament ? Qui en bénéficie ? Quel est l’état de la fortune du vicomte de Trabard ? Quelle était sa position exacte parmi les entours de la reine ? Par quelles voies pouvait-il acquérir des chevaux en Angleterre ? Cela a-t-il une relation avec sa mort ? La tâche est considérable, il y faut procéder avec méthode. Seules des certitudes recoupées me permettront d’avancer degré par degré vers une vérité dont je crains aujourd’hui ne pas encore être en mesure d’approcher la gravité.
    — Moi, je crains que vous ne vous heurtiez à des forces redoutables. Que la reine ait recours à vous me paraît significatif. Tout en vous liant les mains vis-à-vis du roi, notez-le.
    — Qu’est-ce à dire ?
    — Nicolas, ouvrez des yeux qu’avec confiance vous maintenez clos depuis trop longtemps. Un idéal respectable vous conduit en loyal serviteur du roi. Qui gouverne ce royaume ? Vous êtes persuadé dur comme fer que c’est votre maître. Ce fut vrai, ce ne l’est plus. À l’origine, oui, le bien du roi était le bien du peuple, aujourd’hui non ! Le pouvoir a été sculpté à l’image de ceux qui en bénéficient. La vieille machine monarchique avance brinquebalante. Le pouvoir, le pouvoir réel, façonné, bâti, utilisé pour servir des rapaces dont les membres de la coterie de la reine sont les exemples parfaits, ne lui appartient plus. Et vous, témoin désintéressé, vousassistez sans cesse depuis des années à ces jeux insensés de rivalités et d’ambitions développées en violences et complots, même si ceux qui s’y complaisent se divisent pour dominer et se rassemblent pour préserver leurs privilèges.
    — Cependant, le roi…
    — Arrachez ce voile qui vous dissimule la vérité, Nicolas. Ce n’est pas le roi que je mets en cause, mais ceux qui, usant de son autorité, abusent le royaume au mieux de leurs intérêts. Éveillez-vous au plus vite, vous n’êtes pas de ce côté-là et l’affaire qui s’annonce vous le prouvera une fois de plus. Que croyez-vous que j’entends, assis dans mon fauteuil, quand la rumeur de la ville parvient jusques à moi par la croisée ouverte ? Que dit ce peuple pauvre qui n’est pas un pauvre peuple ? Il souffre et espère. Et il croit encore en son roi. Vous, qui connûtes les paysans de votre enfance, les clercs de notaire, vos compagnons, qui, chaque jour, dans cette ville, appréhendez d’un cœur compatissant misères et souffrances, vous, le rejeton d’une noble famille et le commensal des rois, je vous conjure d’ouvrir les yeux !
    Pourquoi soudain Noblecourt jouait-il les oiseaux de mauvais augure ? Il arrivait parfois qu’il portât sur la société le regard critique du vieillard sur le monde nouveau. Cet immobilisme rejoignait des goûts immuables en cuisine et en musique qu’aucun argument ne parvenait à faire vaciller. N’était-ce qu’une apparence ? Il y avait bien ces mystérieuses disparitions sur lesquelles Nicolas avait garde de l’interroger, respectant cette part obscure de son vieil ami. Il n’était cependant pas sans le suspecter d’appartenir à l’une de ces loges maçonniques qui se multipliaient et qui portaient, en les allumant,les lumières du siècle. Alors que l’âge et sa mélancolie pesaient de plus en plus sur le vieil homme, le laissant parfois silencieux et morose, il revenait de ces

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