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L'année du volcan

L'année du volcan

Titel: L'année du volcan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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vraisemblables et discrets conciliabules pour un temps rajeuni, gaillard, plein d’idées nouvelles, parfois en contradiction avec celles qu’il avait coutume de professer. Janus à deux faces, Noblecourt épousait alors son siècle. Le sentiment le portait à regretter un passé qui se confondait avec sa jeunesse, mais la raison lui faisait admettre la nécessité d’un changement que les idées des philosophes et sa propre aménité imposaient.
     
    Nicolas, qui regagnait son appartement, s’interrogea avec cette capacité d’examen de soi-même favorisée par son éducation, sa foi et la richesse d’une vie intérieure que peu de ses proches soupçonnaient. Était-il cet aveugle-né que seules ses fonctions conduisaient, avec pourtant un cœur compatissant que lui avait accordé Noblecourt ? Il fut frappé soudain de constater que l’avertissement proféré n’était guère éloigné, sous une forme plus policée, de ce que lui ressassait chaque jour Bourdeau dans son inlassable censure parfois poussée jusqu’à la rage. Il est vrai que les enquêtes ne pouvaient qu’abonder le flot grossissant des critiques. Corruption aux marches du trône, immoralité et libertinage répandus dans les parties les plus respectables de la société, tout concourait à nourrir le triste jugement qu’en homme du peuple l’inspecteur portait sur les mœurs de ce temps.
    Certes, Nicolas constatait chaque jour l’aggravation des malheurs d’une multitude de peuple côtoyée à tout moment. Les paysans affluaient toujours vers la capitale, augmentant le nombre desmendiants et de ceux qui, à la Grève, demandaient du travail. Une agitation larvée couvait dans plusieurs faubourgs. Un peu partout, aux carrefours, des groupes d’hommes aux mines patibulaires se rassemblaient, parlant haut.
    Toutes les parties de la société étaient gangrenées. Au jeu insensé des plus grands, la reine en donnant le plus mauvais exemple, correspondaient chez un public avide le goût et le vertige des loteries. Le déficit qui touchait les finances avait conduit l’État à multiplier ce recours facile. Beaucoup engloutissaient leurs économies, leurs salaires, leur pain même dans cette chimérique espérance. Les rapports des commissaires, Nicolas l’avait souvent relevé, s’accompagnaient de ruines, de désespoirs et de suicides. Il pensa à tout ce qu’il avait observé dans sa Bretagne natale. À tout cela s’ajoutait l’espèce de resserrement d’une noblesse ancrée sur ses privilèges, dans l’armée en particulier. Or si Nicolas était convaincu d’une chose, c’était qu’un homme valait un homme, que rien, ni origine, ni naissance, n’était à même d’imposer l’idée contraire et que, seuls, l’éducation et le talent justifiaient une hiérarchie fondée sur le principe d’utilité à la société. Bourdeau, lorsque Nicolas se laissait aller à argumenter avec lui et émettait cette proposition, grommelait, heureux au fond de ce qu’il entendait, que «  c’était là un bon commencement  ». Restait que Nicolas ne poussait pas dans leurs ultimes conséquences ses constatations et ses convictions.
    Nicolas peina à trouver le sommeil. Trop d’images se mêlaient dans sa tête échauffée. Il appréhendait la suite de sa quête. Au terme d’une longue réflexion, il décida qu’aucune action ne saurait être entamée avant qu’il ait revu la reine. Elle ne pouvaitle lancer dans cette affaire sans lui révéler les circonstances qui la conduisaient à compromettre la loyauté d’un bon serviteur à l’égard du roi. Ce n’était pas, hélas, la première fois ! D’autant plus que ce qu’il avait déjà découvert pouvait être contraire à ce qu’on avait espéré de lui, ce pourquoi on l’avait dépêché rue d’Enfer.
    Cette résolution l’apaisa. Il sentit une petite masse s’appesantir sur sa poitrine. Un ronronnement suivit. Mouchette, à son habitude, veillait au repos de son maître, petite sentinelle contre les ombres de la nuit.
    Mardi 15 juillet 1783
    Nicolas fut réveillé en sursaut par Poitevin ; un exempt de M. Le Noir le demandait sur-le-champ. Il fit une rapide toilette, s’habilla et descendit à l’office où il reconnut Durut, un des hommes de confiance du lieutenant général de police. Il devait se rendre immédiatement rue Neuve-Saint-Augustin, une voiture l’attendait. Nicolas avala son chocolat, se brûla, prit au vol un petit pain et suivit Durut. À

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