L'année du volcan
affectionné, mais d’un caractère quinteux. Je suis navré.
— Encore un bénéfice… Peu importe. Nous souhaiterions en revenir aux conditions de l’achat rue d’Enfer. Je vous pose de nouveau la question.
Le notaire avait repris son assurance et paraissait peu disposé à parler.
— Je vous ai relaté tout ce que ma charge m’autorise à révéler. Je n’ai donc rien à ajouter.
— Vous m’obligez, monsieur, à vous rappeler que rien ne saurait être dissimulé à la justice de Sa Majesté. Dois-je mettre à exécution des menaces dont vous avez pu mesurer les risques ? Vous demeurez silencieux ? Très bien, veuillez nous accompagner.
Déjà les deux policiers se levaient.
— Messieurs, messieurs, qu’allez-vous faire ? Vous devez avoir égard à l’honnête homme…
— Que vous prétendez être. Allez, monsieur, ne nous forcez pas à vous mettre le feu sous le ventre.
Ce langage imagé qui n’avait aucun rapport avec le sort réservé au notaire fit mouche. Sa résistance affaiblie, celui-ci, après un dernier moment d’hésitation, lâcha le morceau.
— La chose fut un peu inhabituelle…
— Nous l’imaginons. Allons, monsieur, parlez. Ces moyens dilatoires, quels sont-ils ?
— C’est que, monsieur le commissaire, l’affaire est sortie des moyens ordinaires. L’exercice de mes charges dépend des édits et ordonnances de nos rois qu’on sait, et qui obligent notaires royaux, notaires de Paris ou de province ou notaires établis chez les seigneurs haut justiciers du Royaume. Pour ces derniers…
— Il a été fait dispense de passer aucun acte entre d’autres personnes que les justiciables dans le ressort duquel ils sont établis et pour les biens qui y sont situés, à peine de nullité et trois cents livres d’amende.
— Monsieur, je m’émerveille de votre science, je n’imaginais pas que vous en fussiez l’aussi précis détenteur.
— J’ai pratiqué jadis… Mais nous nous égarons. Si je suis le tordu de votre discours, je suppose que les règles de droit n’ont pas été respectées. Est-ce cela ?
— D’une certaine façon. On ne peut dire. L’accord a été passé sous seing privé et…
— Et ?
— Et sans que les droits…
— Papier timbré et autres ?
— … Oui, soient levés sur cet accord.
— Soit. Et quel fut votre rôle dans tout cela ? Après tout, les choses auraient pu se conclure sans votre concours.
— Il y avait autre chose, un détail qui n’en était pas un. Savez-vous ce qu’est une hypothèque ?
— Certes, c’est une charge qui pèse sur des biens immeubles, soit qu’on emprunte, soit qu’on s’engage à faire quelque chose, soit qu’on y soit condamnépar une sentence de justice. Et dans ce cas, quelle était la source de l’obligation ?
— Le vicomte de Trabard, mon client, ne possédait pas, je vous l’ai dit, les fonds nécessaires pour solder son achat. L’ordre écarté du marché de cette possession entendait pourtant s’en saisir. Le vicomte a accepté que le bien soit aussitôt hypothéqué au profit des Prémontrés et que, de surcroît, il ait à leur verser une rente régulière en dédommagement.
— Mais peste ! s’écria Bourdeau. Cela veut dire que, non seulement il perdait à terme son achat ; mais qu’en plus il devait payer loyer.
— Non, car l’ordre lui avança la somme pour l’achat. Ainsi le loyer n’était que les intérêts d’un emprunt.
— Et c’est ainsi que chaque mois le vicomte de Trabard vous venait trouver pour vous remettre la somme convenue ? C’est bien cela ?
— Il est possible d’envisager la chose ainsi.
Nicolas réfléchissait. Confidence par confidence, le notaire avait fini par dévoiler tout un système qui favorisait par sa discrétion les intérêts immédiats ou lointains des parties en cause.
— Monsieur, dit Nicolas, que devait-il arriver si le vicomte de Trabard passait de vie à trépas ? C’est la situation que nous constatons aujourd’hui.
— L’accord prenait tout son effet et l’ordre entrait aussitôt en possession. Sauf en ce qui concerne une réserve de droit pour le preciput de la veuve.
— Ce droit inaliénable de Mme de Trabard de prendre une part sur les biens du décédé avant le partage de la succession. Mais cela c’est de l’argent comptant.
— Reste que des liquidités, il n’y en a plus depuis longtemps. Et par conséquent tout ce qui estimmeuble, le domaine en
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