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L'année du volcan

L'année du volcan

Titel: L'année du volcan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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l’aspect inaccoutumé du soleil, aurait comme cause lointaine cette épouvantable catastrophe ?
    — J’en suis intimement persuadé. Les conséquences même dans le royaume peuvent en être redoutables.
    Et comme si le ciel entendait approuver le propos de Semacgus, une série de grondements éclatèrent, qui vinrent ébranler le profond caveau où ils dînaient.

VII
    IMPLICATIONS
    « Trop de lumière aveugle comme les ténèbres. »
    La Rochefoucauld
    Vendredi 18 juillet 1783
    La veille, Nicolas avait quitté ses amis pour regagner à pied la rue Montmartre. Sous un ciel lourd et menaçant, il avait longtemps erré au bord du fleuve, le rythme de sa marche scandant sa pensée. Il s’était assis sur une borne, profitant de la fraîcheur qui montait de la Seine. Il en avait respiré profondément l’odeur forte. La ville empoisonnait les eaux de ses déjections comme un couloir de mort. Si habitué aux senteurs marines, il avait fini par s’éloigner, écœuré, de cette eau fangeuse emplie d’immondices pour s’enfoncer dans d’étroites ruelles. L’obscurité de ces venelles ajoutait encore au caractère fantomatique de son errance. Il distinguait à peine les chalands, silhouettes floues et dansantes. Il en éprouvait un malaise tel qu’il avait dû plusieurs fois s’essuyer les yeux pour tenter en vain d’éclaircir sa vision. Dans les lointains, le tonnerre continuait à gronder et des éclairs zébraient la couche cotonneuse qui étouffait la ville sans qu’on les distingue, sinon par la soudaine clarté du brouillard illuminé de l’intérieur. Se pouvait-il que cette nuée étrange fût apparue, comme le pensait le docteur Semacgus, à la suite d’inhabituels mouvements de la terre, de l’irruption du feu souterrain dans cette île éloignée ?
    Un trouble l’avait saisi. Était-ce la conséquence du sermon asséné par Noblecourt, si proche à certains égards des sempiternelles indignations de Bourdeau, de ce que lui-même ne pouvait s’empêcher de constater au cours de ses enquêtes ? Ses plongées dans les strates du peuple, la découverte permanente de la plus extrême misère avoisinant la plus grande opulence, tout cela le troublait, le poursuivait de questions sans réponse dont la cruauté l’affolait. Il lui sembla au cours de cette promenade qui tournait au cauchemar qu’à l’injustice de la société correspondait la fureur du ciel, signe avant-coureur d’un châtiment.
    Il s’était repris en s’attachant à examiner de nouveau l’évolution d’une enquête dont l’issue demeurait incertaine. Ce qui l’intriguait le plus était ce lien évident entre une situation privée de couple divisé, d’adultère et de débauche et une affaire touchant les intérêts les plus vifs de l’État. Dans quel sens fallait-il prendre la chose ? Quel élément lui fournirait la clé d’une solution ? Il fit le vide en lui, s’en remettant au travail mystérieux de son intelligence. Au cours de ses études chez les Jésuites de Vannes,il réglait ainsi par cette plongée volontaire dans l’oubli la difficulté d’une version latine. Il s’endormait avec le problème et se réveillait avec la traduction. Il savait pourtant qu’il ne s’agissait pas d’un jeu ou d’une de ces énigmes de gazettes qu’aimait résoudre M. de Noblecourt. La cause était de chair et de sang et du débat ouvert dépendait le destin de culpabilité ou d’innocence d’hommes et de femmes. Et que dire de la reine qui aurait dû se tenir à l’écart, idole intouchable dans son empyrée, et veiller à ce que son nom sacré ne puisse être entaché ?
    Rue Montmartre, il trouva Catherine qui reprisait de vieilles guenilles qu’elle distribuerait ensuite aux pauvres de Saint-Eustache en dépit de son éloignement de la religion. M. de Noblecourt n’était pas au logis, parti en ville pour une de ces mystérieuses disparitions dont il ne parlait jamais. Était-ce cette société de pensée qu’il avait évoquée au cours de son avant-dernier entretien avec Nicolas ? Le commissaire était de plus en plus persuadé que le vieux magistrat appartenait à l’une de ces loges de maçons si courues à la cour et à la ville. Il était monté dans sa chambre, avait parcouru un manuel d’équitation qu’il comptait offrir à son fils Louis, écuyer émérite. Mouchette était venue le rejoindre, ronronnant. La tendre vibration de l’animal fidèle l’avait paisiblement conduit au

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