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L'année du volcan

L'année du volcan

Titel: L'année du volcan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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animal fabuleux, une sorte de Paulet cartésienne,qui, au milieu des transes de l’enquête, bave des vérités ? Beau portrait, vraiment !
    Il y eut un éclat de rire général.
    — Pour en revenir au Turc, reprit Nicolas, un détail m’intrigue. Pourquoi joue-t-il de la main gauche ?
    — Il semble que ce soit le résultat d’une distraction de son inventeur. Il a inversé sans doute le sens en consultant ses plans. Je ne pense pas qu’il y faille attacher une particulière importance.
    — Soit. Toutefois c’est un point que je garde en mémoire. Je m’étonne en effet que dans un chef-d’œuvre aussi parfait un tel détail ait été le fruit du hasard. Autre chose, comment est éclairé le théâtre des parties ?
    — Il y a six bougies sur la table de l’automate et une sur celle de son adversaire.
    — La salle est-elle bien éclairée ?
    —  A giorno , cher Nicolas, a giorno  !
    — Alors une question se pose. Pourquoi une telle quantité de lumière autour du Turc ?
    — Sans doute pour que le public venu l’admirer puisse le voir le plus distinctement possible.
    — C’est une explication plausible.
    — Voilà un problème dont les données sont insuffisantes et qui pourrait comporter à la réflexion de multiples solutions. Attendons donc de voir l’appareil en question.
    — Vous qui savez tant de choses, dit Nicolas s’adressant à Semacgus, pourquoi selon vous s’attacherait-on à faire frapper de fausses piastres espagnoles et de la monnaie anglaise dans un atelier clandestin à Paris ?
    — Étant entendu, ajouta Bourdeau, que cette monnaie fausse est de surcroît fondue dans un métal falsifié au lieu d’être en bon argent.
    Semacgus demeura un long moment silencieux les yeux fermés et la main droite soutenant son menton. Une grimace équivoque acheva cette réflexion.
    — Vous devriez consulter notre ami La Borde qui est expert en ces matières financières. Pour ma part j’ai ma petite idée qu’il conviendrait de vérifier.
    — Et quelle est-elle ?
    — Si l’on frappe en France de la fausse monnaie espagnole ou anglaise, vous tomberez d’accord avec moi qu’on recherche un intérêt ou un bénéfice de cette dangereuse opération. Vu la sévérité de nos lois à cet égard, il faut que ce jeu, périlleux en diable, en vaille la chandelle.
    — Le bénéfice est tout vu, dit Bourdeau. À l’usage la fausse monnaie vaut la bonne !
    Les cerises apparaissaient, disposées sur des feuilles fraîchement cueillies dans une petite corbeille d’osier. Après une révérence, Marguerite accrocha comme annoncé deux cerises à l’oreille de Bourdeau. À peine avait-elle quitté la salle que les plaisanteries fusèrent à nouveau.
    — Voyez le vieux Silène couronné de cerises !
    — Servi par sa mélie qui le révérencie !
    — Vieux Silène ? Silène peut-être, vieux, non ! Et quelle est cette mélie dont vous m’affublez ?
    — Sache Pierre, dit Nicolas sur le ton d’un régent de collège, que les anciens Grecs croyaient en l’existence de démons femelles, les nymphes. Les mélies appartenaient à la classe de celles qui s’attachaient à ceux qu’elles voulaient favoriser.
    — Pour répondre au jeune Silène, repartit Semacgus, ce n’est pas tant que le faux prétend singer le vrai. Il faut déplacer la question. Pour quelle raison s’acharnerait-on à forger une monnaie étrangère en France ?
    — Elle est réexpédiée dans son pays d’origine prétendue ?
    — Non pas ! La chose est facile à expliquer. Le rapport entre les monnaies de l’Europe a engendré un vrai désordre dont le royaume pâtit. L’explication tient au rapport de l’or à l’argent. C’est d’ailleurs la faute de l’Espagne qui, en 1779, a élevé le prix du premier métal si bien que le négociant français perd dans ses échanges soldés en or, puisque l’or qu’il reçoit lui est compté à plus haut prix qu’il ne vaut en France. Cette perte touche les monnaies espagnoles et, à moindre titre, les anglaises. Ainsi notre or est-il exporté et devient rare.
    — Si je vous comprends bien, dit Nicolas, il est donc avantageux d’acheter des louis avec des piastres. Il s’ensuit que plus il y a de piastres importées en France, plus il y a de louis exportés et qu’ainsi nous perdons sur tous les tableaux.
    — Vous avez parfaitement saisi la chose. Pour empêcher cette fuite de notre or, il faudrait changer la proportion

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