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L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Bellec
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de Torres, la plus alerte d’entre elles. Margarida fut désespérée par cette détresse qu’elle partageait avec la même intensité. Elle savait que la valeur sentimentale inestimable du bijou dépassait de très loin sa valeur marchande. Elle fut moins en colère contre le voleur que contre elle-même qui avait laissé sa tante cacher ingénument un bien aussi précieux. La chambre mise sens dessus dessous, la bague resta introuvable.

    La senhorina da Costa et dona de Galvào, trop affaiblies pour marcher jusqu’à leur quartier d’hivernage, furent débarquées sur des brancards. La jeune Custodia, surtout, était épuisée depuis deux semaines par la dysenterie. Les capitaines et les passagers importants seraient les hôtes du gouverneur à l’intérieur de la forteresse où ils allaient se barricader dansune chaleur de four à l’abri, pensaient-ils, des épidémies, imaginant sans doute que les remparts qui avaient arrêté les Hollandais impressionneraient de la même façon les miasmes et les moustiques. Surmonté des armes du Portugal, le portail de São Sebastião était le seul ornement majestueux de la muraille quadrangulaire construite en appareil régulier de pierres taillées dans le calcaire corallien de l’île. Le fort abritait le palais sans fioritures inutiles du gouverneur et de l’administration de Mozambique. La manière de cellule de nonne aux murs lépreux où les six femmes déposèrent leurs affaires leur sembla saine et spacieuse, voire gaie, parce qu’une vraie fenêtre aux carreaux gris de poussière et de sel laissait entrer largement le soleil et quelque chose à voir. Elle donnait sur une place quadrangulaire bordée par les quartiers de la garnison et les casernements pour les équipages, entourant la petite église de la confrérie des Militaires de São Sebastião. Les magasins et la poudrière occupaient le restant de la citadelle et complétaient l’appareil militaire de la caserne fortifiée.

    Les religieux investirent avec un sentiment de reconquête les vestiges du couvent São Domingos, que les prétendus réformés avaient transformé le temps du siège en redoute d’artillerie. Les religieuses et les femmes s’y installèrent dans une ruine privative. Aucune écoutille complice ne permettait ici aux prostituées d’échapper à la surveillance des sœurs. Elles étaient hors d’elles à l’idée que les Éthiopiennes, sans rien connaître à la profession, allaient les remplacer au pied levé pendant l’hivernage, la meilleure saison pour travailler au cours de la traversée. Elles s’indignaient tout autant de savoir le métier gâché à Goa par des esclaves de toutes les couleurs et, pire – murmurait-on à Lisbonne –, par leurs maîtresses aussi acharnées qu’elles à se donner bénévolement. Les malades s’entassèrent dans l’hôpital où les barbiers de la flotte allaient saigner à tour de bras sous l’autorité du chirurgien major. On transporta quelques résidents mozambicains fiévreux prendre l’air à bord des caraques au mouillage. Inversement, les scorbutiques débarquèrent en priorité. La terre etla mer échangeaient leurs malades spécifiques dans l’espoir improbable d’un choc salutaire.

    Les autres passagers campèrent où ils pouvaient, la plupart dans des ruines réhabilitées d’un toit de palmes. La problématique majeure de l’établissement portugais étant d’échapper aux fièvres, Jean préconisa d’aller chercher une situation sanitaire favorable hors de la bourgade. Ils prirent à bail une case du quartier indigène périphérique de Santo António, que leur céda un Asiatique à l’allure impassible et replète d’homme d’affaires louche. Leur logis élémentaire avait la qualité salvatrice d’être largement aéré par la brise de mer.

Le séjour des deux Français commença mal. Ils étaient installés depuis juste deux jours quand un sergent accompagné de quatre piquiers vint les prier de le suivre aussitôt chez le gouverneur. Ils traversèrent l’île étroitement encadrés. À peine entrés dans le fort São Sebastião, on les poussa dans une salle d’armes où des faisceaux de piques et une centaine de mousquets chargés étaient rangés sous bonne garde. La place forte restait aux aguets. Convaincus d’une méprise, ils furent stupéfaits d’être brutalement jetés à terre et de se trouver le cou pris dans un carcan de bois. Ils reconnurent alors dans un compagnon d’infortune

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