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L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Bellec
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valeureuses qui ont fait notre empire. Seuls les sauvages se comportent ainsi. Les Portugais font la guerre sans haine mais quand on nous cherche, on nous trouve.
    — Votre seigneurie, en quoi sommes-nous concernés mon assistant et moi par les exactions des Hollandais ?
    La détente soudaine du bras de dom Estêvão les fit sursauter. La dague traversa la pièce en chuintant et se planta avec un bruit mat dans le chambranle de la porte. Il quitta son encoignure, alla tranquillement la reprendre et se mit àmarcher de long en large sans les regarder, continuant à se tapoter la main du manche de son couteau d’arme
    — Le Brésil te dit-il quelque chose, le Français ? As-tu entendu parler de Rio de Janeiro ? Il y a une cinquantaine d’années, un nommé Villegagnon a imaginé y implanter une colonie dans notre dos en retournant les Indiens contre nous. Il se trouve que, pendant l’assaut du fortin que vous aviez dédié à votre Coligny, mon père a eu lui aussi la tête emportée par un coup de mousquet. J’avais dix ans. Ma mère m’a élevé dans la haine des Français.
    Jean resta silencieux un long moment, le temps de préparer sa riposte. On entendait voler les mouches, l’un des éléments constituants de l’air de Mozambique.
    — Je comprends tout à fait votre sentiment, dom Estêvão. Il est noble et j’aurais la même rage en moi si mon père avait été tué en faisant face au vôtre. Cela étant dit, puisque vous ne nous avez pas convoqués ici entre quatre soldats pour une conversation amicale, je vais vous raconter des choses qui vont vous fâcher. Je sais comment vous avez contraint nos colons pacifiques de se retirer de ce qu’ils avaient cru pouvoir appeler la France Antarctique. L’amiral de Villegagnon espérait implanter au Brésil une communauté travailleuse, généreuse et craignant Dieu dans un lieu que ne peuplaient pas les Portugais, une baie que les Indiens nommaient Ganabara et dont ils avaient fait Genèvre. Il pensait pouvoir y faire cesser la guerre qui décimait des tribus adverses, obtenir leur amitié et exploiter pacifiquement avec leur aide des mines, des carrières de marbre et le bois de teinture.
    Le gouverneur fit taire d’un geste les ricanements de l’homme de la monnaie qui se tenait debout, les mains posées sur le dossier d’une chaise et fit signe à Jean de poursuivre.
    — Je connais assez bien cette partie du monde pour y avoir voyagé, votre seigneurie. J’étais au Maragnan et en Guyane il y a tout juste quatre ans. Quelques-uns de nos navires marchands aventurés à cette époque à la recherche de bois brésil ont eu le malheur de tomber dans le piège de vos garnisons. Ils ont été brûlés et leurs équipages exécutés pour l’exemple.
    Jean ébranlait visiblement le gouverneur, qui s’était planté devant lui, mains dans le dos. Il durcit le ton.
    — D’autres Français débarqués en Floride ont été capturés et massacrés par surprise il y a une quarantaine d’années sur l’ordre de Felipe Second d’Espagne. Les prisonniers ont été torturés par l’Inquisition au double titre d’ennemis et de luthériens. Mes quelques compatriotes catholiques ou huguenots aventurés outre-Atlantique aux franges de la Nouvelle-Espagne ou du Brésil n’ont jamais été assez fondamentalistes pour résister ni au puritanisme furieux des luthériens ni à votre catholicisme tortionnaire. Ils étaient des chrétiens tolérants. Nos colons et nos marchands étaient parvenus à s’entendre avec les Indiens mangeurs de chair humaine. Ils ont été torturés et mis à mort par vos compatriotes. On dit partout que vous êtes aussi impitoyables et sauvages que les Hollandais quand on s’approche de la chasse gardée de votre empire, dom Estêvão.
    La dague traversa à nouveau la pièce dans un bruit de papier déchiré. Elle creusa dans le chambranle la marque d’un nouvel accès d’humeur, manquant de justesse un petit homme à la peau basanée qui, entrant à cet instant, ouvrit la bouche de surprise.
    — Attention, le Français ! Tu vas trop loin et tu n’es pas en situation de te comporter ainsi. L’Inquisition n’aime pas vraiment qu’on l’accuse de catholicisme tortionnaire comme tu dis. Et puis cesse de nous assimiler aux Castillans qui ont usurpé notre trône. Je les abhorre encore plus que je hais les Français.

    Dom Estêvão fit signe au nouvel arrivant de récupérer son arme au passage et de s’approcher. À son

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