Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Bellec
Vom Netzwerk:
autour. Il n’en connaissait qu’une esplanade bousculée, une prison sordide, une rue tranquille cachant des femmes rieuses, une chapelle close, un marché aux volailles en cours de fermeture. Et une petite marchande indienne venait de faire de ce misérable inventaire un bilan fabuleux. Il ferma les yeux et frissonna d’excitation.

HOSPITAL DO REY NOSSO SENHOR

    L’inscription confirmait que ce palais dont le soleil violent sculptait le décor manuélin portant les armes de Castille et du Portugal et la sphère armillaire de dom João Second était bien consacré aux malades. Le portail ouvrait entre deux colonnes torses sur un vestibule voûté profond et frais.
    Il donnait sur un patio pavé au centre duquel une fontaine alimentait un bassin circulaire peuplé de nénuphars. À travers un passage ouvert dans le bâtiment perpendiculaire à l’entrée, on voyait qu’un jardin faisait suite à ce cloître. À l’ombre des galeries qui en faisaient le tour, des lits installés temporairement avaient recueilli les scorbutiques venant de débarquer de la flotte. Une vingtaine de patients étaient assis sur des bancs ou allongés sur des litières. Le portier l’invita à attendre comme eux la visite d’admission du médecin, du chirurgien et de l’apothicaire, et la décision du père surintendant. François lui expliqua qu’il venait rendre visite à un ami.

    Ayant consulté le registre, le portier lui indiqua que Jean était dans la seconde salle de l’ouest où l’on soignait les plaiesinfectées. Un escalier de pierre monumental conduisait au premier étage sous une voûte digne d’un palais royal. Il paraissait être le cœur du vaste édifice. Des pères jésuites gravissaient les marches à grandes enjambées ou, semblant glisser sur elles, les dévalaient à petits pas rapides qui dénotaient leur longue habitude des lieux. Un médecin en toge noire passa gravement, replié sur sa science hermétique, suivi avec componction par un essaim de secrétaires et d’assistants comme un bateau de pêche accompagné de mouettes. Des serviteurs couraient de bas en haut et de haut en bas, porteurs de flacons, de pots et de vaisselles de terre, d’étain ou de Chine, de draps, de linges et de serviettes pliées avec le plus grand soin. La scène respirait l’ordre, la propreté, l’efficacité et le bien-être.
    Jean avait la mine reposée et rassurée. Ses blessures avaient été sondées, nettoyées et traitées à l’aide d’onguents à base d’aloès et d’une plante indienne qui le soulageaient. La cicatrisation étant en bonne voie, il espérait sortir dans une dizaine de jours.
    — Tu as passé une meilleure nuit que moi à ce que je vois. J’aurais dû me jeter par terre et feindre la douleur plutôt que débarquer bêtement, mon passeport à la main.

    Le récit de son incarcération déclencha une hilarité qui vexa un peu François. Il s’en amusait lui-même mais il admettait mal que Jean en rît franchement.
    — Pardonne-moi. C’est fâcheux mais drôle. Cela dit, nous devons l’un et l’autre une faveur à Antão de Guimarães. Il t’a sorti de la prison de la Ribeira et il m’a confié au père intendant. Les Jésuites sont les maîtres ici. J’ai la chance grâce à son intervention d’avoir pour voisin de lit un compatriote de Laval dont le savoir est encyclopédique. Je te présente François Pyrard.
    L’homme avait une quarantaine d’années. Ses traits burinés et son hâle contredisaient son état déclaré de négociant banal.
    — Il est à Goa depuis un an après des aventures incroyables. Il a tout regardé avec attention et il a beaucoup réfléchi.J’ai appris de lui en deux jours ce que je n’aurais pas perçu en six mois.

    Le résumé des aventures du marchand était en effet à couper le souffle depuis qu’il avait quitté Saint-Malo le 8 mai 1601 à bord du Corbin , en quête d’une route française vers les Indes. Il naviguait de compagnie avec le Croissant, sous pavillon de la Compagnie des marchands de Saint-Malo, Laval et Vitré. Déporté sur la côte de l’île de Saint-Laurent, jeté sur un récif de corail par la faute du capitaine et de son équipage, naufragé cinq ans aux Maldives sans voir passer un bateau, pris entre l’arbre et l’écorce dans l’attaque d’une flotte du roi du Bengale qui avait ravagé l’île, il était arrivé à Goa par Chittagong, la côte des Malabars, Cochin et Calicut.
    Il conclut son bref résumé

Weitere Kostenlose Bücher