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L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Bellec
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Libéré de ses fers, il était quand même en prison.

    Comme par miracle, les choses s’arrangèrent rapidement, grâce à la remarquable organisation de la Casa. L’administration des Indes était de plus en plus débordée par des fonctionnaires se conduisant en proconsuls, mais le souci d’ordre qui la régentait s’appliquait encore avec une rigueur sourcilleuse à la gestion équitable des intérêts et des biens personnels des vivants et des morts. L’ordre caritatif de la Misericórdia contribuait à cette protection. Ses frères soignaient les malades, secouraient les pauvres, les veuves et les orphelins, s’occupaient des infirmes, et apportaient aux prisonniers un peu d’humanité.
    Dans ce vaste programme, il y eut place pour la détresse de François, libéré le surlendemain matin lundi 18 mai sur les onze heures grâce à l’intervention de maître Fernandes et à la caution morale d’Antão de Guimarães. Il récupéra sans trop de formalités son passeport à la porte de la rive de Santa Catarina, assorti d’un billet de recommandation du pilote-major pour son confrère maître Gaspar Salanha, en charge des instruments nautiques à l’arsenal. Son premier élan le jeta à la porte voisine de l’hôpital du Roi où il apprit que les visites de la matinée s’achevant à onze heures, les malades pourraient de nouveau recevoir des parents et amis à partir de la troisième heure de l’après-midi et jusqu’à la sixième.

Aqui neste lugar estava a porta porque entrou o Governador Affonso d’Albuquerque e tomou esta cidade aos mouros em dia de Santa Catarina anno 1510, em cujo louvore memoria o Governador, Jorge Cabral, mandou faser esta caza anno 1550 á custa de S.A.
    Il s’était engagé dans une rue montant apparemment vers le centre-ville. Elle était bordée à main gauche par le mur d’un jardin. Il avait trouvé presque aussitôt sur sa droite la chapelle au fronton de laquelle il avait déchiffré l’inscription gravée en lettres d’or. Il éprouva l’envie d’y entrer puisque c’était le premier édifice religieux de la Rome orientale qu’il rencontrait. La porte était fermée. Un abbé qui passait, plongé dans ses pensées, mains dans le dos et les yeux sur ses pieds tourna la tête, fut surpris de le voir s’acharner sur le loquet et accourut à la possible profanation. Comprenant son extranéité, il lui expliqua que la chapelle avait été fondée par Jorge Cabral à l’emplacement de la porte par laquelle Albuquerque était entré dans Goa quand il avait repris la ville le 25 novembre 1510, jour de la fête de Santa Catarina. Elle s’ouvrait une fois seulement chaque année, le jour anniversaire. François s’excusa de son ignorance, un peu vexé d’avoirété si vite identifié comme un nouveau venu. Le religieux se dit confus à son tour de l’avoir pris pour un des nombreux militaires sans soldes que le désœuvrement transformait en pillards.

    Régulière et coquette, aussi tranquille et nette qu’un décor de théâtre, la rue était bordée de maisons, certaines en latérite brute mais la plupart blanchies à la chaux, leurs arêtes et leurs coins soulignés en ocre rouge. D’un modèle uniforme à l’exception de quelques hôtels plus cossus, elles abritaient un ou deux étages sous un haut toit de tuiles à quatre pans. Cette ordonnance de façades bicolores était mouchetée de ventanas. Il découvrait cette particularité de Goa, des moucharabiehs en ferronnerie ou en entrelacs de bois peints en vert, derrière lesquels il devinait des femmes aux aguets qu’il supposait belles, parfumées et vêtues de robes diaphanes. Des fous rires, quelques provocations verbales et même un judas entrouvert démasquant fugitivement un visage qu’il n’eut pas le temps d’analyser, lui montrèrent qu’il ne se trompait pas. La rue était presque déserte. Gêné par ces regards insistants, il se surprit à se donner une contenance, comme un figurant inexpert s’efforçant de marcher avec naturel.

    Débouchant sur le plateau, il découvrit un ensemble d’édifices religieux qu’il ignora, remettant à plus tard leur visite, et il se dirigea, montant toujours, à contre-courant d’une petite foule qui refluait sans doute d’une rue commerçante puisqu’elle était encombrée de paniers. Il parvint en effet presque aussitôt sur une placette où venait de se tenir un marché. Échoppes et petits étals couverts étaient en cours de fermeture. Il

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