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L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Bellec
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sur l’utilité d’un assistant car la route a une dimension particulière. La traversée sera très longue et éprouvante. Tu serais un candidat convenable après tout.
    Il recula de deux pas pour les placer tous les deux dans son champ de vision.
    — J’ai beaucoup appris en deux heures en t’écoutant, Guillaume. Tu es un merveilleux pédagogue.
    Le cartographe fit un geste de dénégation.
    — L’image de la Terre est une fantastique aventure. Il suffit de la raconter. Tu parviens bien à nous faire rêver du Maroc.
    — J’imagine que François pourrait m’en raconter beaucoup pendant une aussi longue traversée. Ses connaissancesde la navigation, des portulans et des aiguilles pourraient le rendre utile à bord et contribuer à nous faire vivre quelques mois à Goa. Je suis prêt à le prendre au pair. T’en séparerais-tu le temps du voyage ? Sous réserve que ce beau garçon ne s’installe pas définitivement là-bas auprès d’une princesse indienne, car je ne réponds de rien là-dessus !

    Guillaume prit son temps. Il avait conscience de sa responsabilité dans une décision qui ne lui appartenait pas. Il ressentait probablement plus que François lui-même le poids d’une alternative dont la gravité dépassait tout ce qu’un Dieppois pouvait envisager depuis l’aventure dramatique des Parmentier. Pire, puisque le voyageur proposait à François de s’immerger avec lui dans un monde totalement lusophone sans autre ressource que leur détermination. Il prit un ton de père noble.
    — Je m’en porte garant. Encore faut-il que cet écervelé soit sûr de lui. On annonce quelquefois par vantardise des intentions qui s’abandonnent au pied du mur.
    François se serait jeté au cou de l’apothicaire s’il ne s’était pas maîtrisé. Il croisa les bras, pensant trouver ainsi une contenance correspondant à la fois à son bonheur fou d’adolescent et aux réactions pondérées qui seyaient à un jeune adulte déclaré être assez expérimenté pour être précieux à un grand voyageur.
    — Puis-je répondre ? La providence semble t’avoir placé sur ma route, Jean. Je saisis ton offre avec gratitude. Je serai avec bonheur ton assistant et je te promets de contribuer à dénicher les singularités les plus incroyables pour ta collection royale.
    Il ajouta ingénument :
    — Quand partirons-nous ?
    — Nous n’en sommes pas là. J’espère bénéficier d’appuis efficaces grâce à mes obligés de Marrakech et il ne me semble pas impossible que cette facilité te soit étendue puisque tu seras mon assistant. Je ne te promets rien.
    Une colonie de mouettes rieuses se chamailla sous leurs fenêtres, comme si elles les appelaient au voyage tout en se moquant d’eux.
    — La flotte appareillera avant Pâques. Je n’aurai pas trop de trois mois pleins pour retrouver mes contacts, m’assurer de protections solides et gérer si tout va bien les formalités de notre embarquement à la maison de l’Inde. Il me faut donc être à Lisbonne au début de décembre au plus tard. Nous devrons gagner le Portugal dans la deuxième quinzaine de novembre. Ce n’est pas la meilleure saison pour traverser la mer de Gascogne, mais nous n’avons pas le choix.
    L’apothicaire royal alla reprendre sa besace, la mit à son épaule et revint vers François.
    — Nous sommes le onzième jour de juillet. Dans trois mois, tu rechercheras dans les ports de Normandie ou de Bretagne l’opportunité d’un passage vers Lisbonne dans les premiers jours de novembre. Ce sera ta première tâche. Tu me seras immensément utile si j’en juge par mes longs déboires à Salé. Je reviendrai de Paris à la mi-octobre. Nous partirons dès la première occasion. C’est à toi de la dénicher. Besslâma !

    Jean quitta aussitôt Dieppe à cheval par le chemin de la vallée de la Scie. D’après le Guide des chemins de France , l’indispensable viatique imaginé par Charles Étienne, il comptait faire étape au relais de Saint-Albin-sur-Scie. En se remettant en selle le lendemain à la pointe du jour, il serait à Rouen avant la nuit pour récupérer ses paquets. Il prendrait à l’aube le coche d’eau du vendredi pour Paris.
    Accoudé à sa table, François regardait par la fenêtre la rentrée de la flottille des harenguiers comme un exotisme marginal car il était déjà loin de Dieppe, sous les murs de Goa la dorée. La page était tournée brutalement. Presque arrachée. Se remémorant cette

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