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L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Bellec
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s’était accoudé sur la table, penché sur la mappemonde autour de laquelle ils venaient d’élaborer le contenu de la commande royale. Guillaume et François le relancèrent.
    — Après nous avoir excités de tes déboires, raconte-nous l’envoûtement de la Barbarie !
    — On dit que les Arabes ont érigé des palais admirables à Séville et à Cordoue. Le Maghreb doit être fabuleux.
    Jean se redressa et se frotta lentement les mains, les yeux levés vers une inspiration à venir de la charpente dont il venait en réalité de remarquer l’élégance. Guillaume lui expliqua que, comme souvent sur le littoral européen, elle était l’œuvre d’un charpentier de marine.
    — Les sultans se sont entourés d’architectes éminents mais Marrakech est loin d’égaler la splendeur de Grenade. J’ai négocié pour amuser Henri un bel harnachement à la manière arabe mais que vous dire ? Le Maghreb est surprenant, sans pourtant être très rare en vérité.
    — Fais-nous rêver !
    — J’ai traversé l’Atlas sous bonne escorte par des cols enneigés jusqu’à atteindre le désert. On m’a conduit au pied d’une falaise creusée de cavernes. Quand je suis entré dans ces grottes, j’y ai vu les merveilles que l’on me promettait en grand mystère. En des temps immémoriaux, des hommes ont peint des fresques sur leurs parois. À la lueur des torches, j’y ai déchiffré de grands quadrupèdes, des singes, des lions. Des arbres.
    — Des palmiers ?
    — Non. Ce n’était pas une oasis mais de vrais arbres feuillus.
    — Comment ces Sahariens antiques ont-ils appris à dessiner des arbres ?
    — Ils les voyaient. Ces artistes ont vu de leurs yeux desarbres et des animaux. Cela veut dire que le désert était autrefois fertile et couvert de forêts.
    — L’Atlantide ? C’est bien étrange.
    — Il n’y a pas que cela. J’ai acquis dans le Tafilalet une curiosité pour le cabinet. Une manière de bouquet minéral, une rose de pierre de quarante livres.
    — L’œuvre d’un sculpteur berbère ?
    — Une formation naturelle. Nul ne sait l’origine de ces concrétions que l’on trouve dans le désert. Dans les souks, les revendeurs volubiles affirment qu’elles sont sculptées par les djinns. Les érudits des medersas pensent certains à des effets de la foudre, d’autres à des étoiles filantes tombées du ciel. Tous y voient la volonté d’Allah.
    — À ton avis ?
    — Elles sont constituées de gypse. Je n’en sais pas plus. Elles relèvent d’une raison physique mystérieuse sans doute liée à la chaleur extrême des jours et au froid intense des nuits sahariennes. Comme si le sable fluide se cristallisait en pierre selon des tensions géométriques immuables, bien qu’aucune de ces concrétions ne soit semblable aux autres.
    Ils restèrent longtemps silencieux. La magie du grand erg avait envahi l’atelier.

    Guillaume, qui s’intéressait moins aux curiosités de la nature qu’à l’enrichissement géographique des portulans, interrogea Mocquet sur les raisons qui l’avaient conduit à Marrakech. Le voyageur leur expliqua comment il avait visité le Maroc parce qu’il avait manqué une traversée vers Goa.
    — Préparé à un voyage de sept mois ou plus, ma traversée a duré deux jours.
    François s’accrocha à l’Inde qui venait de surgir inopinément dans la conversation.
    — Malgré ta familiarité avec le roi, tu n’es pas parvenu à trouver un embarquement pour Goa ?
    — Non. Les étrangers sont malvenus. Bien que nos relations diplomatiques soient aussi cordiales qu’il est possible, les ressortissants français ne sont pas mieux accueillis que les Hollandais dans les comptoirs portugais.
    — Pour tout t’avouer, je me suis mis en tête d’aller en Inde. Guillaume me jure que c’est impossible. Est-ce selon toi un rêve absurde ?
    — Tu serais donc toi aussi un nouvel affolé de Goa ? Maître Guillaume a raison. C’est d’autant plus difficile que la recrudescence des attaques hollandaises rend les Portugais de plus en plus nerveux.
    Le front têtu, François se mit à ronger nerveusement l’ongle de son pouce gauche, son regard accroché au visiteur.
    — Mais !
    Mocquet s’interrompit pour laisser l’horloge sonner les saccades molles de quatre heures.
    — Mais ! – Il leva l’index, regardant dans les yeux l’un puis l’autre de ses interlocuteurs. – Il se pourrait bien que je dispose de la clé introuvable

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