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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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appartenaient au réfugié Wiesenhoff, si toutefois il habitait toujours là. Ravic se souvint qu’il avait dû, un jour, lui faire un lavage d’estomac. C’était à Noël, l’année précédente.
    La bouteille était vide. Il la lança sur le lit, où elle lui parut comme un embryon noirâtre. Il se leva. Pourquoi donc regardait-il le lit ? Quand on n’avait pas de femme, il fallait tout simplement en trouver une. À Paris, ce n’était pas difficile.
    Il se dirigea, par des rues étroites, jusqu’à l’Étoile. La vie chaude de la ville semblait vibrer dans la nuit le long des Champs-Élysées. Il revint, marchant plus vite, puis ralentissant peu à peu son allure, jusqu’à ce qu’il se trouvât devant l’hôtel de Milan.
    « Comment va ? demanda-t-il au portier.
    –  Ah ! Monsieur, dit celui-ci en sursautant. Il y a longtemps que monsieur n’est pas venu.
    –  Oui, assez longtemps. J’étais absent de Paris. »
    Son interlocuteur l’observait, de ses petits yeux pétillants.
    « Madame n’habite plus ici.
    –  Oui, je sais. Depuis assez longtemps. »
    Le portier connaissait admirablement son métier. Il savait, sans qu’on lui eût posé une seule question, ce qu’on désirait savoir.
    « Il y a quatre semaines, dit-il. Quatre semaines qu’elle est partie. »
    Ravic prit une cigarette.
    « Madame n’est-elle plus à Paris ? demanda le portier.
    –  Elle est à Cannes.
    –  À Cannes ! »
    Ravic tira de sa poche une coupure de cinq francs et la posa sur la table.
    « Bonsoir. »
    Ravic se retrouva dans la rue. Pourquoi était-il allé à cet hôtel ? Il ne lui restait plus maintenant, pour compléter le tableau, qu’à aller au Schéhérazade et à se soûler.
    Il contempla le ciel lourd d’étoiles. Il devait être satisfait de la tournure des choses. Il avait des tas de récriminations inutiles. Et puis, il savait d’avance comment tout cela finirait. Jeanne le savait aussi. Elle avait fait la seule chose à faire. Pas d’explications. Elles sont inutiles. Lorsque les sentiments sont vraiment en cause, les explications sont superflues. Il n’y a que les actions qui comptent. Dieu merci, il n’était pas question de morale. Jeanne n’en connaissait pas le premier mot. Elle avait agi, et tout était fini. Pas de tiraillement. Lui aussi avait agi. Pourquoi donc venait-il flâner ici, maintenant ? C’était l’air, sans doute. Ce tissu diaphane, fait du mois de mai, du soir, et de Paris. Et la nuit. On est toujours différent la nuit. Il rentra à l’hôtel.
    « Pourrais-je employer votre téléphone ?
    –  Certainement, monsieur. Mais nous n’avons pas de cabine. Il n’y a que l’appareil. »
    Ravic consulta sa montre. Veber serait peut-être à l’hôpital. C’était l’heure des visites du soir. « Le docteur Veber est-il là. » Il ne reconnaissait pas la voix de l’infirmière. Une nouvelle, probablement.
    « Vous ne pouvez pas parler au docteur Veber maintenant.
    –  Il est là ?
    –  Oui, mais je ne peux pas le déranger.
    –  Dites-lui simplement que Ravic le demande au téléphone. Allez tout de suite, c’est très important. J’attends.
    –  Très bien, dit la voix avec une nuance d’hésitation. Je vais lui passer votre message, mais il ne se dérangera pas.
    –  Nous verrons bien, dit Ravic. Allez toujours. »
    Un instant plus tard, Veber était à l’appareil.
    « Ravic ! Où êtes-vous ?
    –  À Paris. Je suis arrivé aujourd’hui. Avez-vous encore une opération à faire ?
    –  Oui, dans vingt minutes. Une appendicite. Cas d’urgence. Pouvez-vous me rencontrer après ?
    –  Je puis venir.
    –  Épatant ! À quelle heure ?
    –  Immédiatement.
    –  Entendu. Je vous attends. »
     
    « Voici une excellente liqueur, dit Veber. Voici les journaux et les revues médicales. Mettez-vous à votre aise.
    –  Je veux un verre, puis une blouse et des gants. »
    Veber regarda Ravic.
    « C’est une simple appendicite. C’est au-dessous de votre dignité. J’aurai tout de suite fini, avec l’aide de Morel. Je l’ai déjà appelé. Du reste vous devez être fatigué.
    –  Veber, faites-moi une faveur et laissez-moi opérer. Je ne suis nullement fatigué.
    –  Vous êtes rudement pressé de vous remettre à l’œuvre, dit Veber en riant. Comme vous voudrez. Je vais décommander Morel. Du reste, je vous comprends. »
    Ravic se lava les mains, et enfila rapidement la blouse et les gants. La

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