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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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gagné le nord à travers la Finlande. Moi je suis passé par la Mandchourie et le Japon. Lorsque nous nous sommes retrouvés ici, huit ans plus tard, j’étais sous l’impression que notre dernière rencontre datait de 1919 à Harbin. Lui croyait fermement m’avoir vu pour la dernière fois à Helsinki en 1921. Un simple écart de deux ans et de quelques milliers de kilomètres. »
    Morosow remplit les verres.
    « En tout cas, ils t’ont reconnu. Ça donne déjà l’impression d’être rentré chez soi. »
    Ravic but le vin léger et frais.
    « En attendant, j’étais tout près de la frontière. Juste à côté de Bâle. Un côté de la route appartenait à la Suisse, l’autre à l’Allemagne. Je me tenais sur le côté suisse, en mangeant des cerises. Je pouvais cracher les noyaux en Allemagne.
    –  Ça te donnait l’impression d’être près de chez toi ?
    –  Au contraire, je ne m’en suis jamais senti plus éloigné, »
    Morosow sourit.
    « Je comprends ça. Tu as eu des difficultés ?
    –  À peu près comme d’habitude. Ça devient plus difficile, voilà tout. Les frontières sont plus étroitement surveillées. J’ai été pris une fois en Suisse, et une fois en France.
Pourquoi ne nous donnais-tu pas signe de vie ?
    –  J’avais peur de donner l’éveil à la police d’ici. Ils ont parfois des crises d’énergie. Il vaut mieux ne compromettre personne. Nos alibis ne sont pas si solides. J’ai appliqué le vieux précepte de guerre : me tenir tranquille et disparaître. Croyais-tu que j’agirais autrement ?
    –  Pas moi. »
    Ravic observa le visage de son ami et poursuivit :
    « Des lettres ? À quoi bon, ça ne sert jamais à rien.
    –  Non. »
    Ravic tira de sa poche un paquet de cigarettes.
    « Les événements prennent toujours un tour curieux quand on n’est pas là.
    –  Ne te fais pas d’illusions, dit Morosow.
    –  Sois sans crainte.
    –  -Si on ne revient jamais, alors tout est pour le mieux. Si on revient, c’est différent. Et puis tout finit par recommencer.
    –  Peut-être. Peut-être pas.
    –  En somme, tu ne dis rien. Il vaut mieux que tu le prennes de cette façon. Veux-tu faire une partie d’échecs ? Le professeur est mort. C’était le seul adversaire à ma taille. Levy est au Brésil. On lui a offert une situation comme garçon de table. La vie va vite, de nos jours. Il vaut mieux ne s’habituer à rien.
    –  Pourquoi ?
    –  En effet. »
    Morosow regarda Ravic.
    « Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire.
    –  Moi non plus. Si tu le veux, quittons cette palmeraie morte et poussiéreuse. Il y a trois mois que je ne suis venu, et pourtant, j’en retrouve toute la puanteur, une puanteur de cuisine, de poussière et de peur. À quelle heure dois-tu partir ?
    –  Quand je veux. J’ai congé aujourd’hui.
    –  C’est juste, dit Ravic avec un sourire. C’est le soir de l’élégance, de la vieille Russie et des grands verres.
    –  Tu m’accompagnes ?
    –  Non, pas ce soir. Je suis fourbu. J’ai à peine dormi toutes ces dernières nuits. Promenons-nous pendant une heure, si tu veux et allons nous asseoir quelque part. Il y a si longtemps que je ne l’ai pas fait. »
    « Du vouvray ? » demanda Morosow stupéfait.
    Ils étaient installés à la terrasse du Colisée.
    « La soirée n’est pas avancée, mon garçon. C’est l’heure de la vodka.
    –  Je sais, mais je veux quand même du vouvray.
    –  Tu commences à m’inquiéter. Prends au moins une fine. »
    Ravic secoua la tête négativement. Morosow insista :
    « Lorsqu’on arrive quelque part, on devrait toujours se soûler la première nuit. Demeurer sobre, et contempler à plaisir le visage démoralisant des ombres du passé, c’est-ce que j’appellerais de l’héroïsme superflu.
    –  Tu n’y es pas, Boris. Je me contente de jouir prudemment de la vie. »
    Il vit que Morosow ne le croyait pas. Il ne chercha pas à le convaincre. Il s’assit calmement à une table tout près du trottoir, et but son vin en regardant défiler la cohue des passants. Tant qu’il était demeuré loin de Paris, tout lui avait paru clair et net. Tout était maintenant pâle, enveloppé de brouillard, doucement coloré, et agréable, mais c’était un peu la sensation qu’on a en descendant trop rapidement d’une montagne, quand les bruits de la vallée ne nous parviennent plus que comme à travers un tampon d’ouate.
    « Es-tu venu

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