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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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directement à l’hôtel ? demanda Morosow.
    –  Oui.
    –  Veber s’est informé de toi à plusieurs reprises.
    –  Je l’appellerai.
    –  Tiens ! Je n’aime pas ta façon d’être. Qu’est-ce qui ne va pas ?
    –  Rien de particulier. À Genève, la frontière était trop bien gardée. C’est là que j’ai essayé tout d’abord. Puis je suis allé à Bâle. Là aussi, c’était difficile. Mais j’ai fini par traverser. J’ai attrapé un sale rhume. Il a quand même fallu que je passe la nuit sous la pluie et sous la neige, dans un champ absolument découvert. Ça s’est aggravé et j’ai fait une pneumonie. Un médecin de Belfort m’a fait entrer dans un hôpital. Il m’a fait entrer et sortir en cachette. Et puis il m’a encore gardé dix jours chez lui.
    –  Et tu es guéri ?
    –  -Oui, à peu près.
    –  C’est pour cela que tu ne prends pas d’alcool ? »
    Ravic sourit.
    « Pourquoi reviens-tu là-dessus ? Je suis tout simplement fatigué. Je veux me réhabituer doucement. Voilà toute la vérité. C’est curieux, tu sais, en voyage, on pense à des tas de choses, et on ne pense plus à rien une fois rendu.
    –  Mon fils, dit Morosow, avec un geste qui semblait ramener la conversation sur son plan véritable, tu parles à ton père Boris, un connaisseur du cœur humain. Cesse de te dérober, et demande-moi tout de suite ce que tu veux savoir, afin qu’on n’en parle plus.
    –  Entendu. Où est Jeanne ?
    –  Je ne sais pas. Je n’ai pas eu de ses nouvelles depuis plusieurs semaines. Et je ne l’ai pas vue.
    –  Et avant cela ?
    –  Avant cela ? Elle s’est informée de toi à plusieurs reprises. Et puis elle a cessé.
    –  -Elle n’est plus au Schéhérazade ?
    –  Non. Elle est partie il y a environ six semaines. Elle est revenue deux ou trois fois. Puis elle ne revint plus.
    –  Est-elle à Paris ?
    –  Je ne crois pas. Du moins il me semble que non. Sinon, elle serait revenue de temps à autre.
    –  Sais-tu ce qu’elle fait ?
    –  Quelque chose dans le cinéma, je crois. Du moins, c’est-ce qu’elle a dit à la petite du vestiaire. Une histoire de ce genre-là.
    –  Une histoire ?
    –  Bien sûr, une invention, dit Morosow plus violemment. Quoi d’autre, Ravic ? Ne me dis pas que tu t’attendais à autre chose ?
    –  Oui. »
    Morosow demeura silencieux.
    « S’attendre à quelque chose et savoir sont deux choses différentes, dit Ravic.
    –  Seulement pour les damnés romantiques. Et maintenant, bois quelque chose de sensé. Laisse cette limonade. Prends un bon calvados.
    –  Non, sûrement pas du calvados. Du cognac, si cela peut te faire plaisir. Ou même du calvados, après tout !… Pour la différence que cela peut faire…
    –  Enfin ! » dit Morosow.
     
    La fenêtre. La silhouette bleue des toits. Le canapé d’un rouge fané. Le lit. Ravic se rendait compte qu’il lui faudrait le subir. Il s’assit sur le canapé et se mit à fumer. Morosow lui avait appor té ses effets, et lui avait dit où il pouvait le rejoindre s’il avait besoin de lui.
    Il s’était débarrassé de son vieux costume. Il avait pris un bain à l’eau chaude d’abord, puis à l’eau froide. Un bain prolongé, en se savonnant longtemps. Il avait voulu laver les traces des trois derniers mois, les arracher de sa peau. Il avait mis du linge frais et un autre costume. Il s’était rasé. Ce qu’il aurait voulu, c’était un bain turc, mais il était trop tard. Il avait accompli tout cela avec satisfaction. Il eût voulu faire encore davantage, car maintenant, assis sur le canapé, près de la fenêtre, il sentait sa solitude monter vers lui de tous les recoins de la chambre.
    Il emplit un verre de calvados. Une bouteille à demi pleine était parmi ses effets. Il se rappela le soir où il l’avait bue avec Jeanne, mais ce souvenir n’éveillait pas d’émotions. Il y avait trop longtemps. Il remarqua tout simplement que le calvados était vieux et excellent.
    La lune se levait lentement, découpant la silhouette des maisons. La cour immonde qui s’étendait en face, se transforma en un palais d’ombres argentées. Avec un peu d’imagination, on pouvait toujours peindre d’argent les choses les plus ignobles. Un parfum de fleurs pénétra par la fenêtre. Le parfum voluptueux des œillets dans la nuit. Ravic se pencha à la fenêtre. Une boîte remplie de fleurs était directement au-dessous de lui. Elles

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