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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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préparer comme pour une opération. Me préparer aussi complètement qu’il est possible de le faire. Je m’y ferai. J’ai deux semaines devant moi. C’est bien. C’est excellent. Je peux m’habituer à être calme. C’est toi qui as raison. À force de parler des choses, on finit par se calmer. La haine. Parler de la haine froidement, posément. Je vais tuer si souvent en pensée, que j’aurai déjà l’habitude lorsqu’il reviendra. On agit avec plus de délibération et de calme la millième fois que la première. Et maintenant, causons. Mais causons d’autre chose. Parlons des roses, si tu veux ? Regarde-les ! Elles sont comme de la neige au milieu de cette nuit chaude. Comme une écume blanche sur le flot agité de la nuit. Es-tu satisfait, maintenant ?
    –  Non », dit Morosow.
    Ravic ne dit rien.
    « Je serai satisfait quand nous en aurons parlé pour la centième fois.
    –  Soit. Regarde attentivement cet été. L’été de 1939. Il sent le soufre. Les roses sont comme une couche de neige sur une fosse commune. Nous sommes malgré cela un peuple gai, n’est-ce pas ? Vive le siècle de la non-intervention ! Le siècle de la pétrification des instincts moraux ! Il y a beaucoup de tueries cette nuit, Boris. Chaque nuit ! La tuerie ! Les villes qui brûlent, les Juifs qui gémissent quelque part ! Les Tchèques qui périssent misérablement dans des bois ! Les Chinois qui rôtissent dans le pétrole japonais, le fouet de la mort qui fauche dans les camps de concentration ! Allons-nous nous conduire comme des femmelettes sentimentales lorsqu’il s’agit d’éliminer un meurtrier ? Nous allons le pendre et l’exterminer, c’est tout, comme nous l’avons fait si souvent à des gens innocents qui ne différaient de nous que par l’uniforme qu’ils portaient.
    –  C’est bien, dit Morosow. Ou plutôt, c’est mieux. As-tu déjà appris tout ce qu’on peut faire avec un couteau ? Un couteau ne fait pas de bruit.
    –  Ne me parle pas de cela ce soir. Il faut que je puisse dormir. Le diable seul sait si je le pourrai, malgré la tranquillité que je feins d’éprouver. Me comprends-tu ?
    –  Oui.
    –  Ce soir, je vais tuer et tuer. Dans deux semaines, je serai devenu un automate. Le problème est d’arriver jusque-là. Jusqu’au moment où je parviendrai à dormir. Boire ne m’aidera pas. Une piqûre, pas davantage. Il faut que je tombe d’épuisement. Le lendemain tout ira bien. »
    Morosow demeura un moment silencieux.
    « Trouve-toi une femme, dit-il.
    –  Tu crois donc que cela m’aiderait ?
    –  Ça peut aider. Il est toujours bon de dormir avec une femme : Appelle Jeanne. Elle viendra. »
    Jeanne, oui, elle était là tout à l’heure. Il se souvenait qu’elle avait parlé de quelque chose. Il avait oublié.
    « Je ne suis pas Russe, dit Ravic. As-tu quelque chose de mieux à me proposer ?
    –  Des choses simples. Les plus simples, seulement.
    –  Celle-là n’était pas simple.
    –  Grand Dieu ! Ne sois pas compliqué ! Le meilleur moyen de se détacher d’une femme est de continuer à coucher avec elle à l’occasion. De ne pas laisser l’imagination s’emballer. À quoi bon faire du drame autour d’un acte parfaitement naturel ?
    –  Tu as raison, dit Ravic. Qui le voudrait ?
    –  Laisse-moi téléphoner, interrompit Morosow. Je te trouverai quelqu’un. Après tout, je ne suis pas portier pour rien !
    –  Non, reste ici. Tout va bien. Buvons et contemplons les roses. Elles ressemblent à des visages morts sous la pleine lune. Après l’orage de la mitraille. J’ai vu cela en Espagne. L’ouvrier Pablo Nonas disait en ce temps-là que le Ciel était l’invention des fascistes. Il n’avait qu’une jambe. Il avait fini par m’en vouloir parce que je n’avais pas conservé son autre jambe dans l’alcool. Il ne pouvait s’empêcher de penser qu’un quart de lui-même était déjà enterré. Il ne savait pas que les chiens l’avaient déterrée et dévorée… »

 
CHAPITRE XXV
     
     
     
    V EBER entra dans la salle des pansements. Il fit signe à Ravic et ils sortirent tous les deux.
    « Durant est au téléphone. Il vous demande immédiatement. Il s’agit d’un cas spécial et de circonstances tout à fait particulières.
    –  Je vois ce que c’est, dit Ravic froidement. Il a raté une opération et il voudrait que je vienne en assumer les conséquences. C’est bien ça ?
    –  Je ne crois pas. Il

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