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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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cendres du souvenir. Ce n’est que lorsqu’on n’a plus de but dans la vie qu’on est vraiment libre.
    Il se dirigea vers l’Etoile. Une foule compacte se pressait sur la place. Derrière l’Arc de Triomphe des réflecteurs illuminaient le tombeau du Soldat inconnu. On fêtait le vingtième anniversaire de l’armistice de 1918. Un immense drapeau tricolore flottait dans la brise et les réflecteurs semblaient en projeter l’ombre mouvante sur les nuages bas. Une musique militaire jouait quelque part, maigre et métallique. Personne ne chantait. La foule se tenait là, silencieuse. Une vieille femme dit, tout près de Ravic :
    « L’armistice ! J’ai perdu mon homme à la dernière guerre. Cette fois, ce sera le tour de mon fils… »

 
CHAPITRE IV
     
     
     
    L A feuille de température accrochée au-dessus du lit était immaculée. Seul le nom y était inscrit : Lucienne Martinet, Buttes-Chaumont, rue Clavel.
    Sur l’oreiller, le visage exsangue. Elle avait été opérée la nuit précédente. Ravic écouta les battements du cœur. Il se redressa.
    « Il y a une amélioration, dit-il. La transfusion a produit un véritable miracle. Si elle passe la journée, elle s’en tirera peut-être.
    –  Je vous félicite, dit Veber. Je la croyais perdue. Le pouls à cent quarante, et une pression de quatre-vingts, la caféine, la coramine… Il s’en est fallu de peu ! »
    Ravic haussa les épaules.
    « Je n’ai aucun mérite. Elle est venue plus tôt que l’autre… celle qui avait la chaînette dorée à la cheville. Voilà tout. »
    Il couvrit la malade.
    « C’est le deuxième cas en moins d’une semaine. Si cela continue, vous allez finir par vous occuper exclusivement des avortements des Buttes-Chaumont. L’autre venait de là, elle aussi, n’est-ce pas ?
    –  Oui, et même de la rue Clavel. Elles se connaissaient sans doute, et elles sont allées trouver la même sage-femme. Elle est venue le soir, comme l’autre. Il est heureux que j’aie pu vous trouver à l’hôtel. Je craignais que vous ne fussiez sorti.
    –  Il est rare qu’on ne sorte pas le soir, lorsqu’on vit "à l’hôtel. Ma chambre n’a rien de particulièrement attrayant, vous savez…
    –  Je l’imagine. Mais pourquoi tenez-vous à vivre à l’hôtel ?
    –  C’est une manière de vivre à la fois confortable et impersonnelle. On est seul et on ne l’est pas.
    –  Et c’est-ce que vous voulez ?
    –  Oui.
    –  Si vous vous décidiez à louer un petit appartement, vous auriez les mêmes avantages.
    –  Peut-être, fit Ravic en se penchant de nouveau sur la patiente.
    –  Vous n’êtes pas de mon avis, Eugénie ? » demanda Veber.
    L’infirmière répondit d’une voix cassante :
    « M. Ravic ne le fera jamais.
    –  Le docteur Ravic, Eugénie. Je vous l’ai déjà dit cent fois. Il était chirurgien-chef d’un grand hôpital en Allemagne. Infiniment plus calé que moi.
    –  Chez nous, dit Eugénie, en ajustant ses lunettes…
    –  C’est bon, c’est bon, se hâta d’interrompre Veber, c’est entendu : dans ce pays on ne reconnaît pas les diplômes étrangers. C’est idiot, du reste ! Et pourquoi êtes-vous si sûre qu’il ne prendra pas un appartement ?
    –  M. Ravic est un homme perdu. Il ne se construira jamais un foyer.
    –  Que me chantez-vous là ?
    –  Monsieur ne croit plus à rien. Voilà la raison.
    –  A-t-on jamais entendu de tels propos ? fit Veber, en se tournant vers Eugénie.
    –  Demandez-le-lui vous-même, riposta l’infirmière.
    –  Vous avez raison, dit Ravic en souriant. Mais c’est lorsqu’un être ne croit plus à rien qu’il découvre soudain le sacré sur un plan plus humain. Il se prend à révérer jusqu’à la petite étincelle de vie qui anime le ver de terre et le pousse à sortir au grand jour. Il ne s’agit pas ici d’une comparaison…
    –  Vous ne pouvez pas m’insulter, dit Eugénie, en lissant les plis de son tablier. Vous ne croyez à rien. Dieu merci, moi, j’ai ma foi !
    –  La foi rend aisément fanatique, dit Ravic en se redressant. C’est du reste pourquoi toutes les religions ont fait couler du sang. »
    Il sourit.
    « La tolérance est la fille du doute, Eugénie. C’est-ce qui explique pourquoi, avec toute votre foi, vous êtes tellement plus agressive à mon égard, que moi, infidèle damné, je ne le suis envers vous.
    –  Et voilà, s’esclaffa Veber. Ne répondez pas, Eugénie, vous

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