L'arc de triomphe
dans la mort, et pour un bref instant seulement.
« Vous n’étiez pas mariés ? demanda Ravic.
– Non. Pourquoi ?
– À cause de la police. Il faut prendre tout ce qui vous appartient. Ce qui est à lui sera mis sous séquestre en attendant les héritiers s’il y en a. Il avait de la famille ?
– Pas en France.
– Vous viviez avec lui ? »
Pas de réponse.
« Depuis longtemps ?
– Deux ans.
– Où sont vos bagages ?
– Je les avais laissés là… près du lit… hier soir.
– Je comprends… le patron… »
Ravic ouvrit la porte et appela une femme de chambre.
« Allez me chercher le patron. »
Au bout d’un instant, l’hôtelier entra sans frapper, un papier à la main.
« Où sont les valises de madame ? demanda Ravic.
– Je veux être payé d’abord. Voici la note.
– Non, les valises d’abord. Laissez votre note et allez me chercher les valises. »
Le patron sortit en claquant la porte.
« Est-ce que le… avait-il de l’argent ?
– Oui, dans son portefeuille.
– Où est-il ?
– Sous… elle hésita… Il le gardait toujours sous l’oreiller. »
Ravic souleva l’oreiller sur lequel reposait la tête du mort. Il trouva un portefeuille de cuir noir qu’il tendit à la femme.
« Prenez l’argent, et tout ce qui peut-être important pour vous. Faites vite. Ce n’est pas le moment d’être sentimentale. Vous en avez besoin pour vivre. C’est fait pour ça et non pour moisir au commissariat. »
Il se pencha un instant à la fenêtre, puis se tourna de nouveau vers la femme.
« C’est fait ?
– Oui. »
Elle lui tendit le portefeuille qu’il replaça sous l’oreiller.
« Mettez le tout dans votre sac », dit-il. Il prit la note de l’hôtelier et l’examina. « Vous aviez déjà payé une note ici ?
– Je ne suis pas sûre. Il me semble que oui.
– Cette note couvre deux semaines. Payait-il… » Ravic ne pouvait se résoudre à dire M. Raczinsky en parlant du mort… « Les factures étaient-elles toujours payées régulièrement ?
– Oui, toujours. Il disait que, dans notre situation, c’était essentiel.
– Avez-vous une idée où il a pu mettre le reçu de la dernière semaine ?
– Je ne sais pas. Il gardait tous ses papiers dans la petite valise. »
On frappa à la porte. Le chasseur apportait les valises. Il était suivi du patron.
« C’est tout ? demanda Ravic à la femme.
– Oui.
– Naturellement que c’est tout, grommela l’hôtelier. À quoi vous attendiez-vous ? »
Ravic désigna la plus petite des deux valises.
« Vous avez une clef ?
– Les clefs sont dans les poches de son complet. Là, dans l’armoire. » Ravic ouvrit la porte. L’armoire était vide. « Eh bien ? » fit-il en regardant le patron. Celui-ci se tourna vers le chasseur.
« Eh bien ? » gronda-t-il à son tour.
Celui-ci se mit à bégayer :
« J’ai sorti le complet.
– Pourquoi faire ?
– Pour le brosser et le nettoyer.
– J’ai l’impression que ce n’est pas nécessaire, dit Ravic.
– Va le chercher tout de suite, sale voleur ! » hurla le patron.
Le chasseur lui lança un regard, en clignant de l’œil et sortit. L’instant d’après, il revenait avec le complet. Ravic secoua le veston, puis le pantalon et l’on entendit un tintement. Cela fai sait une drôle d’impression de fouiller dans les poches d’un mort. C’était un peu comme si son complet était mort avec lui. Quelle idée saugrenue ! Un complet c’est un complet ! Il trouva les clefs et ouvrit la valise. Tout au-dessus se trouvait une serviette de toile cirée.
« Est-ce cela ? » demanda-t-il à la femme.
Elle fit un geste affirmatif.
Le reçu était là. Il le montra au patron.
« Vous vous faites payer deux fois la même semaine ?
– Et après, cria l’autre. Et les ennuis ! Et le désordre ! Et tout le dérangement ! Ça n’est rien, je suppose ? Ça ne doit pas figurer sur la note ? Tenez, vous avez dit vous-même que les clients pourraient s’en aller ! Et le lit ! La chambre qu’il faut faire désinfecter ? Les draps salis ?
– Cela fait deux cent quatre-vingt-douze francs », dit Ravic à la femme.
Elle sortit trois billets de cent francs de son sac. Le patron les empocha, puis se dirigea vers la porte, en disant :
« Il faut que la chambre soit évacuée avant six heures, autrement je serais obligé de vous compter
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