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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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vous avez été emprisonné plus d’un an sans motif ?
    –  Moins que ça. Deux mois seulement.
    –  Mais puisque vous me dites que les récidivistes…
    –  Avec un peu d’expérience on évite d’être récidiviste. »
    Ravic sourit.
    « On est expulsé sous un nom et on revient sous un autre. On traverse la frontière à un endroit différent, si possible. Comme on est sans papiers ils ne peuvent rien prouver. Il faudrait que quelqu’un nous reconnaisse pour nous coffrer. Cela arrive rarement. Ravic est mon troisième nom. Je l’ai depuis près de deux ans. On dirait qu’il m’a porté chance. J’y suis habitué maintenant. J’ai presque oublié mon véritable nom. »
    Veber secoua la tête.
    « Et tout cela parce que vous n’êtes pas nazi !
    –  Évidemment. Les nazis ont tous les papiers et tous les visas qu’ils veulent.
    –  Ah ! Nous vivons dans un joli monde. Et le gouvernement ne fait rien !
    –  Le gouvernement doit d’abord s’occuper de ses chômeurs. Sans compter qu’il n’y a pas qu’en France que cela arrive. C’est la même chose partout. »
    Ravic se leva.
    « Adieu, Veber. Je passerai voir votre malade dans deux heures et de nouveau ce soir. »
    Veber l’accompagna jusqu’à la porte.
    « Venez dîner à la maison un de ces soirs, Ravic. Quand vous voudrez.
    –  Avec plaisir ! (Ravic savait qu’il n’irait pas.) À un de ces jours. Au revoir, Veber.
    –  Au revoir, Ravic. Alors, c’est entendu, je compte sur vous. »
     
    Ravic entra dans le premier bistrot. Il s’installa près de la fenêtre pour pouvoir observer la rue. C’était une de ses distractions favorites, Paris était vraiment la ville où il y avait moyen de passer agréablement son temps à ne rien faire. Le garçon attendait.
    « Un Pernod, dit Ravic.
    –  À l’eau ?
    –  Non, attendez… non, je ne veux pas de Pernod. Apportez-moi un calvados. Un double calvados.
    –  Bien, monsieur. »
    Quelque chose le tracassait, que l’eau-de-vie de pommes ferait passer mieux que l’anisette sucrée. C’était l’invitation de Veber. L’espèce de pitié qui l’avait motivée. Il lui offrait la faveur d’une soirée en famille. Les Français invitent rarement les étrangers chez eux ; ils préfèrent les recevoir au restaurant. Il n’était jamais allé chez Veber. Évidemment son intention était bonne, mais c’était gênant tout de même. Il y a moyen de se défendre contre les insultes ; pas contre la pitié.
    Pourquoi diable avait-il dû expliquer à Veber ses raisons d’habiter l’International ? Veber savait ce qu’il avait besoin de savoir. Il savait que Ravic n’était pas autorisé à exercer sa profession. C’était suffisant. S’il l’acceptait quand même comme collaborateur, c’était son affaire. Cela lui permettait de prendre des cas de chirurgie qu’il n’aurait pu accepter autrement. Personne ne le savait, sauf l’infirmière… et elle se taisait. Avec Durant, c’était la même chose. Lorsqu’il devait opérer, il demeurait auprès du patient jusqu’à ce qu’il fût endormi. Alors Ravic entrait et faisait l’opération, que l’âge et l’incompétence interdisaient à Durant de faire. Lorsque le patient se réveillait, c’était Durant, le célèbre chirurgien, qui se penchait sur lui avec sollicitude. Ravic ne voyait le patient que recouvert d’un drap. Il ne voyait que la partie dénudée du corps, badigeonnée d’iode pour l’opération. Bien souvent, il ne connaissait pas l’identité de celui qu’il opérait. Durant lui transmettait le diagnostic, et il se mettait au travail. Et Durant lui remettait peut-être le dixième de ce qu’il touchait. Mais c’était mieux que de ne pas opérer du tout. Avec Veber, les choses se faisaient plus amicalement. Veber lui donnait un quart des honoraires. C’était honnête.
    Ravic regarda par la fenêtre. À quoi bon se tracasser ? Il vivait, c’était suffisant. Ce n’est pas au moment où le monde va s’écrouler qu’il faut espérer construire sa vie solidement. Mieux vaut partir à la dérive que de gaspiller de l’énergie, qui, elle, ne se remplace pas. Il s’agissait avant tout de survivre, jusqu’au jour où un but apparaîtrait. C’est maintenant qu’il fallait ménager son énergie, afin d’en avoir à ce moment-là. Il en avait tant vu qui se perdaient à faire œuvre de fourmi, qui, cent fois, essayaient de retrouver une existence bourgeoise dans ce siècle

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