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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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demanda-t-il.
    –  Oui. Mais différemment. Lorsque pendant des jours je n’avais adressé la parole à personne… et je voyais autour de moi des gens qui se rendaient quelque part, vers un chez soi – et moi seule j’errais sans but. Tout devenait irréel. J’avais l’impression d’être submergée, et de marcher dans les rues d’une ville sous-marine. »
    Quelqu’un montait l’escalier. Un bruit de clef, une porte qui s’ouvre et se ferme, et presque aussitôt le bruit d’un robinet.
    « Pourquoi demeurez-vous à Paris si vous n’y connaissez personne ?
    –  Je ne sais pas. Où irais-je ?
    –  Aucun endroit où vous puissiez retourner ?
    –  On ne peut pas revenir en arrière. »
    Une rafale chassait la pluie contre la fenêtre.
    « Pourquoi êtes-vous venue à Paris ? »
    Jeanne Madou ne répondit pas. Il crut qu’elle s’était endormie. Mais elle dit, après un long silence :
    « Raczinsky et moi sommes venus ici pour nous séparer. »
    Ravic n’éprouva nulle surprise. Il y a des moments où plus rien ne nous surprend. Dans la pièce voisine, l’homme qui venait d’entrer se mit à vomir. Ses hoquets assourdis leur parvenaient à travers le mur.
    « Alors pourquoi étiez-vous si désespérée ?
    –  Parce qu’il était mort soudainement ! Il n’était plus là ! Il ne reviendrait plus jamais.
    Trop tard pour réparer ! Vous ne comprenez pas ? »
    Jeanne s’assit sur le lit et regarda Ravic.
    « Oui », dit-il.
    Mais il pensait : « Ce n’est pas vrai, ce n’est pas parce qu’il est mort. C’est parce qu’il t’a laissée avant que tu ne l’aies quitté. Parce qu’il t’a laissée seule quand tu n’étais pas encore prête. »
    « J’aurais dû être meilleure pour lui… j’étais…
    –  N’y pensez plus. Les regrets sont tellement inutiles ! On ne peut pas revenir en arrière. On ne peut pas réparer. Autrement, nous serions tous des saints. D’ailleurs la vie n’exige pas que nous soyons parfaits. Si nous étions parfaits, notre place serait au musée. »
    Jeanne ne répondit pas. Ravic la regarda boire ; elle appuya sa tête sur l’oreiller. Il y avait encore autre chose… mais il était trop fatigué pour réfléchir. Et d’ailleurs, tout lui devenait égal. Il voulait dormir. Demain, il avait une opération. Tout cela n’avait plus d’importance. Il posa son verre vide sur le plancher, à côté de la bouteille. Il pensa : Dans quelles étranges situations on se retrouve parfois.

 
CHAPITRE VI
     
     
     
    R AVIC trouva Lucienne Martinet assise près de la fenêtre.
    « Alors, comment se porte notre malade, la première fois qu’elle se lève ? »
    Elle le regarda et tourna à nouveau la tête vers le paysage en grisaille.
    « Il ne fait pas très beau, dit-il.
    –  Si, répondit-elle, pour moi il fait beau, parce que je n’ai pas à sortir. »
    Elle se tenait enfoncée dans son fauteuil, un mince kimono à fleurs de pavots sur les épaules. Elle n’était qu’une créature insignifiante, aux dents vilaines, mais pour Ravic, c’était une vie qu’il avait sauvée avec ses deux mains. Peu de jours auparavant, il en avait perdu une ; la fois prochaine il pouvait également en perdre une autre. Mais, pour l’instant, celle-ci était sauvée.
    « Si vous croyez que c’est agréable de livrer des chapeaux par un temps pareil ! reprit-elle.
    –  Vous livrez des chapeaux ?
    : – Oui. Pour M me  Lanvert. Son magasin est avenue Matignon. Il fallait travailler jusqu’à cinq heures. Après cela, on devait faire la livraison des cartons aux clients. Il est cinq heures trente. À cette heure-ci, je serais en route. C’est dommage qu’il ne pleuve pas plus fort. C’était bien mieux hier. Un vrai déluge ! Ce sont les autres qui pataugent, en ce moment. »
    Ravic s’assit en face d’elle. « Comme c’est étrange ! songea-t-il. On s’attend toujours que les gens qui échappent à la mort soient merveilleusement heureux. Il n’en est presque jamais ainsi. Un miracle vient de sauver cette femme, et la seule chose qui éveille son intérêt, c’est de n’être pas obligée de sortir par cette pluie. » Il demanda :
    « Comment avez-vous su que cette clinique existait ?
    –  Quelqu’un m’en avait parlé, répondit-elle prudemment.
    –  Qui ?
    –  Une connaissance.
    –  Quelle connaissance ? »
    Elle hésita avant de répondre.
    « Quelqu’un qui était venu ici, et que j’avais

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