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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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arrivés hier. On nous a gardés au camp, près de la frontière, pendant assez longtemps. Puis on nous a finalement relâchés. Il nous reste de l’argent. Des lits. De vrais lits. Un bon hôtel. Jusqu’aux portraits de nos cheiks sur les murs !
    –  Je sais, dit Ravic sans ironie. Ce doit être bon après tout ce que vous avez traversé. »
    Il salua Alvarez et regagna sa chambre.
    La chambre était propre et vide. Jeanne était partie. Il regarda autour de lui. Elle n’avait rien laissé. Tout était comme il s’y attendait. Il sonna, une femme de chambre arriva presque aussitôt.
    « La dame est partie, dit-elle avant même qu’il ne la questionnât.
    –  Je le vois bien. Comment saviez-vous qu’il y avait quelqu’un ici ?
    –  Mais monsieur Ravic… »
    Il était évident qu’elle se sentait offensée.
    « A-t-elle déjeuné ?
    –  Non, je ne l’ai pas vue. Sinon j’y aurais pensé. Comme la dernière fois. »
    La dernière phrase déplut à Ravic. Il tira quelques francs de sa poche et les lui donna.
    « C’est bien. Faites de même la prochaine fois. N’apportez à déjeuner que si je vous le demande. Et ne venez pas faire la chambre avant d’être parfaitement sûre qu’elle est vide. »
    La femme de chambre eut un sourire entendu.
    « Bien, monsieur Ravic. »
    Il se sentait gêné. Il savait ce qu’elle pensait. Pour elle, Jeanne était mariée et ne voulait pas être vue. Autrefois, il aurait accepté cela en riant.
    Mais maintenant, ça l’agaçait. Ah ! Et puis, pourquoi pas ! Il haussa les épaules et se dirigea vers la fenêtre. Un hôtel est toujours un hôtel. Il n’y avait rien à faire.
    Il ouvrit la fenêtre. Midi. Les nuages semblaient peser sur les toits des maisons. Sur les gouttières, des moineaux chantaient. Il perçut des voix qui venaient de l’étage inférieur. Les Goldberg se querellaient encore. L’homme avait vingt ans de plus que sa femme. Il avait été vendeur de maïs en gros à Breslau. Sa femme avait une aventure avec le réfugié Wiesenhoff. Elle croyait que personne ne s’en doutait. Mais Goldberg était le seul à l’ignorer.
    Ravic referma la fenêtre. Il avait enlevé une vésicule biliaire le matin. Une vésicule biliaire anonyme, pour Durant. Il avait ou vert pour Durant un ventre masculin inconnu. Deux cents francs d’honoraires. Puis il était passé voir Kate Hegstrœm. Il l’avait trouvée fiévreuse. Trop fiévreuse. Il était resté une heure auprès d’elle. Elle avait passé une nuit agitée. Rien d’alarmant, mais il aurait voulu qu’elle eût moins de fièvre.
    Il regarda au-dehors. Il ressentait cette étrange sensation que les choses laissent, lorsqu’elles sont passées. Ce lit qui ne signifiait plus rien. La journée qui déchirait la veille, comme un chacal déchire une antilope. Tout ce que la nuit avait fait mystérieusement fleurir, et qui était maintenant lointain et irréel, un vague souvenir dans le désert des heures…
    Il prit sur la table un papier où était marquée l’adresse de Lucienne Martinet. Elle venait de sortir de l’hôpital. Elle n’avait eu de cesse qu’on ne la laissât partir. Il l’avait vue deux jours auparavant. Elle n’avait plus besoin de lui ; mais il n’avait rien d’autre à faire, et il décida d’aller la voir.
     
    La maison était dans la rue Clavel. Au rez-de-chaussée un étal de boucher. Une femme maniait un fendoir et vendait de la viande. Elle était en deuil. Son mari était mort il y avait deux semaines. C’était elle maintenant qui régnait sur la boutique, avec un assistant. Ravic l’aperçut en passant. Elle devait se préparer à sortir. Elle portait un chapeau garni de voile de crêpe. Elle coupait rapidement des pieds de porc pour une connaissance. Le voile s’agitait au-dessus de la carcasse démembrée. Le fendoir brilla un instant et s’abattit.
    Lucienne habitait une petite pièce du dernier étage. Elle n’était pas seule. Un garçon d’environ vingt-cinq ans était affalé sur une chaise. Il portait une casquette de cycliste et fumait une cigarette qui restait collée à sa lèvre supérieure lorsqu’il parlait. Il demeura assis quand Ravic entra.
    Lucienne était au lit. Elle se troubla et rougit.
    « Docteur !… je ne savais pas que vous alliez venir aujourd’hui. » Elle indiqua le garçon. « C’est…
    –  Quelqu’un, interrompit l’autre. Inutile de dire les noms. » Il s’appuya de nouveau au dossier de la chaise.

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