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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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qu’il avait depuis des années. Combien de fois, au hasard de ses aventures, s’y était-il enroulé pour dormir ! Elle lui avait tenu chaud pendant les nuits glaciales en Espagne, lorsqu’il était rentré de l’hôpital à la caserne, épuisé de fatigue. Juana, qui était âgée de douze ans, mais dont le regard en avait quatre-vingts, était morte enveloppée dans ses plis chauds, sous les décombres d’un hôtel de Madrid… elle n’avait exprimé qu’un désir : posséder un jour une robe faite de la même laine soyeuse, et oublier qu’elle avait vu sa mère violée et son père assassiné.
    Il jeta un regard autour de lui. Sa chambre, quelques malles, des vêtements, une poignée de livres lus et relus… un homme a besoin de si peu de choses. Dans une existence aussi instable, il valait mieux prendre l’habitude de se contenter de peu. Il fallait si souvent abandonner tout. C’est pourquoi il vivait seul. Il ne voulait rien qui puisse le retenir. Chaque jour, il lui fallait être prêt à partir, le cœur libre. Sa vie, c’était l’aventure… rien de plus.
    Le lit, les draps froissés. Peu importait qu’il attendît. Il avait souvent attendu des femmes dans sa vie. Mais jusqu’ici, il avait toujours attendu différemment, simplement, clairement, en quelque sorte brutalement. Ou alors avec cette tendresse infinie qui exalte et idéalise. Mais comme aujourd’hui il y avait longtemps que cela ne lui était arrivé. Quelque chose avait pris naissance en lui sans qu’il y portât attention. Quelque chose qui vivait… qui remuait. Depuis quand ? Était-ce le passé qui l’appelait des profondeurs de sa mémoire ? Était-ce la même brise oubliée qui le frôlait, parfumée de menthe et de l’odeur des bois en avril ? Il ne voulait pas posséder… il ne voulait pas appartenir. Il fallait demeurer libre…
    Il s’habilla. L’indépendance d’abord. Ces petites servitudes étaient le commencement de tout. On s’en apercevait si peu au début. Et on se trouvait soudain empêtré dans le réseau inextricable des habitudes… des habitudes dont l’amour n’était que l’un des noms. Il fallait ne s’habituer à rien. Même pas à la forme affolante d’un corps.
    Il ne ferma pas la porte à clef. Si Jeanne venait, elle ne le trouverait pas, mais pourrait rester si elle le voulait. Il se demanda un instant s’il valait mieux laisser un message. Non… il ne voulait pas mentir. Et il préférait ne pas lui dire où il allait.
     
    Il rentra vers huit heures du matin. Il avait erré dans les rues, dans le froid de l’aube, et la détente était venue. Mais devant la porte de l’hôtel, il avait senti les nuages s’amonceler une fois de plus.
    Jeanne n’était pas là. Il chercha à se convaincre qu’il s’y attendait. Et pourtant, sa chambre lui parut plus vide qu’à l’ordinaire. Il essaya de découvrir des traces de son passage. Il ne vit rien. Il sonna la femme de chambre.
    « Apportez-moi à déjeuner, demanda-t-il. Du café et des croissants. » Il ne voulait pas la questionner, lui demander si quelqu’un était venu.
    « Bien, monsieur Ravic. »
    Il regarda le lit. Si Jeanne était venue, comment aurait-elle eu l’idée de s’étendre sur un lit en désordre et vide. Il songea : « Est-ce assez étrange, comme tout ce qui touche au corps pa raît sans vie et abandonné, dès que la chaleur est partie… un lit, des vêtements… même un bain.
    Il alluma une cigarette. Peut-être était-elle venue, et avait-elle cru qu’il s’était rendu auprès d’un malade. Il aurait dû laisser un mot. « Je suis un imbécile, pensa-t-il soudain. Je veux être indépendant et je ne réussis qu’à être irréfléchi et inconsidéré. Inconsidéré et sans jugement, comme un garçon de dix-huit ans qui cherche à se prouver quelque chose. Et je finis par être moins indépendant que si j’étais resté à attendre. »
    La femme de chambre apporta son déjeuner.
    « Voulez-vous que je fasse le lit ?
    –  Pourquoi maintenant ?
    –  Au cas où vous voudriez vous recoucher. On dort tellement mieux dans un lit qui vient d’être fait. »
    Elle le regarda d’un air détaché.
    « Quelqu’un est-il venu ? demanda-t-il d’un ton qui affectait l’indifférence.
    –  Je ne sais pas, je ne suis arrivée qu’à sept heures.
    –  Ève, dit-il, quelle impression cela fait-il de faire chaque matin une douzaine de lits ?
    –  Aucune, monsieur Ravic. Tant que les

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