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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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naturellement… J’imagine que ça ne vous embêterait pas de gagner quelques centaines de francs de supplément. » Elle lui tapa l’épaule. « Un bel homme comme vous !… » Elle reprit la bouteille. « Alors, qu’en pensez-vous ?
    –  Merci, dit Ravic, en l’empêchant de verser. Je bois assez peu. » Ça l’ennuyait de refuser, car le cognac était véritablement excellent. La bouteille provenait sûrement d’une cave de tout premier ordre. « J’y penserai. Je reviendrai un de ces jours. J’aimerais voir vos instruments. Je pourrais peut-être vous donner quelques conseils utiles.
    –  Je vous les montrerai quand vous reviendrez, et vous, vous me ferez voir vos papiers. Confidence pour confidence.
    –  Vous m’avez déjà montré beaucoup de confiance.
    –  Pas du tout, dit-elle en souriant. Je vous ai tout simplement fait une offre que je peux renier n’importe quand. Vous n’êtes pas Français, ça se voit tout de suite à votre accent quoique vous parliez remarquablement bien. Vous êtes probablement un réfugié. » Son sourire s’élargit, tandis qu’elle le fixait avec ses yeux froids. « Personne ne vous croirait, du reste, si vous disiez quelque chose. On s’intéresserait sûrement bien davantage au diplôme français que vous n’avez pas. Vous pouvez me dénoncer tout de suite, si le cœur vous en dit. Je sais que vous n’en feriez rien. Mais pensez à ma proposition. J’imagine que vous ne me donnerez ni votre nom, ni votre adresse ?
    –  Non, dit Ravic, se sentant battu.
    –  C’est bien ce que je pensais. » Elle a maintenant l’air d’un chat qui vient de s’offrir un repas de choix. « Au revoir, monsieur. N’oubliez pas mon offre. Bien souvent j’ai eu l’idée de travailler avec un médecin réfugié. »
    Ravic ne put s’empêcher de sourire. Il la comprenait. Un médecin réfugié serait entièrement à sa merci. Si un accident arrivait, ce serait lui le coupable.
    « J’y penserai, dit-il. Au revoir, madame. »
    Il longea le corridor obscur. Derrière une des portes, il crut percevoir un gémissement étouffé. Il supposa que les pièces étaient disposées à la suite les unes des autres, avec des lits. Les femmes pouvaient s’y reposer, avant de rentrer tant bien que mal chez elles.
    Un homme mince, à la moustache bien taillée, au teint olivâtre, était assis dans le hall. Il étudia Ravic au passage. Roger était assis à côté de lui. Une autre bouteille du vieux cognac était posée sur la table. Roger, en apercevant Ravic, fit instinctivement un mouvement pour la dissimuler. Puis il ricana et laissa retomber sa main.
    « Bonsoir, docteur », dit-il en montrant ses dents gâtées.
    Évidemment, il avait tout entendu à travers la porte.
    « Bonsoir, Roger. »
    Il lui parut que la familiarité était de mise. En une demi-heure, cette femme inébranlable l’avait presque transformé en une sorte de complice.
    En bas, il rencontra deux femmes. Elles examinaient les portes.
    « Monsieur, demanda l’une d’elles d’un ton résolu, M me  Boucher habite-t-elle ici ? »
    Ravic hésita. Et puis, à quoi bon ne pas répondre. Ça ne changerait rien. Elles iraient tout de même. Et il n’aurait rien eu de mieux à leur suggérer.
    « C’est au troisième, dit-il. Le nom est sur la porte. »
    Le cadran lumineux de sa montre brillait faiblement dans l’obscurité. Il était cinq heures du matin. Jeanne aurait dû être là à trois heures. Elle pouvait encore venir. Peut-être était-elle trop fatiguée, et s’était-elle rendue directement à son hôtel.
    Ravic se retourna pour se rendormir. Impossible de trouver le sommeil. Longtemps il demeura éveillé à contempler le plafond où les enseignes de néon dessinaient à intervalles réguliers une bande rouge. Sans savoir pourquoi, il se sentait vide. C’était comme si la chaleur eût peu à peu quitté son corps, comme si son sang, traversant la paroi des veines et des artères, se fût distillé goutte à goutte dans l’inconnu. Il croisa les mains derrière la tête et demeura immobile.
    Il savait qu’il attendait et il comprenait que ce n’était pas son cœur seul qui attendait Jeanne Madou, mais tout son être, ses mains, ses veines, et une espèce d’étrange tendresse qu’il sentait sourdre en lui.
    Il se leva, passa sa robe de chambre, et alla s’asseoir près de la fenêtre. La laine était chaude à sa peau. C’était une vieille robe de chambre

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