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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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clients ne demandent rien d’autre. Mais il y en a toujours qui vous font des avances, bien qu’il y ait un tas de maisons closes, si bon marché.
     – On ne peut pas aller dans ces maisons le matin, Ève. Et il y a des gens qui se sentent particulièrement disposés en se levant.
    –  Oui, surtout les vieux. » Elle haussa les épaules. « Si on refuse, alors, pas de pourboires. Ou alors ils se plaignent à la patronne. Le lit est mal fait, le service est mauvais. Évidemment, ils sont furieux. Il n’y a rien à faire, c’est la vie. »
    Ravic tira de l’argent de sa poche.
    « Je ne veux pas que vous disiez cela aujourd’hui, Ève. Tenez, achetez-vous un chapeau ou quelque chose… »
    Elle le remercia et lui dit : « Elle est bien, la dame ! La dame qui vient ici maintenant.
    –  Un mot de plus et je vous reprends l’argent ! Vos vieux beaux vous attendent. Il ne faut pas les désappointer. »
    Il s’assit et mangea. La nourriture lui parut fade. Le soleil rougissait les toits. L’hôtel s’éveillait. À l’étage au-dessous, le vieux Goldberg commençait son concert quotidien, toussant et crachant comme s’il avait eu trois paires de poumons. Il entendit de l’eau couler quelque part. Des portes claquèrent. Le réfugié Wiesenhoff ouvrit sa fenêtre et se mit à siffler une marche militaire. Ravic s’étira. La nuit était finie. Il décida de rester quelques jours seul.
    Au-dehors, les vendeurs de journaux hurlaient les dernières nouvelles. Incident à la frontière tchécoslovaque. Les troupes allemandes à la frontière des Sudètes. Le pacte de Munich en danger.

 
CHAPITRE XI
     
     
     
    L’ ENFANT ne poussait pas une plainte. Il se contentait de regarder le médecin. Il était encore trop étourdi pour sentir la douleur. Ravic examina la jambe fracassée.
    « Quel âge a-t-il ? demanda-t-il à la mère.
    –  Quoi ? dit-elle comme si elle ne comprenait pas.
    –  Quel âge a-t-il ? »
    La femme marmonna à travers le mouchoir qu’elle tenait pressé sur ses lèvres :
    « Sa jambe ! C’est sa jambe ! Un camion ! »
    Ravic écouta les battements de cœur.
    « A-t-il déjà été malade ?
    –  Sa jambe ! répéta la femme. C’est sa jambe ! »
    Ravic se releva. Le cœur battait rapidement, comme celui d’un oiseau, mais il n’y avait là aucun signe alarmant. Il faudrait seulement surveiller le petit, lorsqu’il serait sous la narcose. Il était visiblement émacié et rachitique. Il importait de le soigner tout de suite. La jambe déchirée était couverte de boue.
    « Allez-vous me couper la jambe ? demanda le  petit.
    –  Non, dit Ravic sans croire ce qu’il disait.
    –  Il vaut mieux la couper si vous ne pouvez pas me guérir tout à fait. »
    Ravic considéra le petit visage que la douleur ne marquait pas encore.
    « Nous verrons ça, dit-il. Pour l’instant, il va falloir t’endormir. C’est très simple. Tu n’as rien à craindre. Il faut rester très calme.
    –  Une minute, monsieur. Le numéro était F O 2019. Voulez-vous l’écrire pour maman ?
    –  Quoi ? Qu’y a-t-il, mon Jeannot ? dit la mère.
    –  J’ai retenu le numéro. Le numéro du camion : F O 2019. La plaque était juste devant moi.
    –  Je l’ai inscrit, rassura Ravic. Ne t’agite pas. »
    Il fit signe à Eugénie de commencer l’anesthésie.
    « Il faut que maman aille à la police. »
    Ses yeux apparaissaient enfoncés dans des cercles noirs qui tranchaient sur sa peau blanche et mate. Il gémit et essaya de dire encore quelque chose :
    « Maman n’comprend pas… expliquez-lui… »
    Il ne pouvait déjà plus parler. Il se mit à pousser des cris, des gémissements étouffés. Il n’était plus qu’une bête blessée qui hurle sa douleur.
     
    « Que se passe-t-il au-dehors, Ravic ? demanda Kate Hegstrœm.
    –  Pourquoi me demandez-vous cela ? Il vaut mieux penser à des choses plus agréables.
    –  J’ai l’impression que je suis ici depuis des semaines. Je me sens si loin de tout. C’est comme si j’étais submergée.
    –  Cela vaut mieux, pour l’instant.
    –  Non, car j’ai l’impression que cette pièce est comme une arche, et que le déluge est déjà sous ma fenêtre.
    –  Il ne se passe rien de neuf, Kate. Le monde continue à se faire illusion, tout en se préparant avec indifférence au suicide.
    –  Croyez-vous qu’il y aura la guerre ?
    –  Il y aura sûrement la guerre. Reste encore à savoir

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