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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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entière. Dis que tu es malade. S’il te faut un certificat, j’en obtiendrai un de Veber. »
    Jeanne ne bougea pas.
    « Expulsé… murmura-t-elle, comme si elle n’en comprenait le sens que peu à peu. Expulsé ?… de France ?… Alors tu t’en irais…
    –  Pour un temps très court seulement.
    –  Tu t’en irais ? répétait-elle sans l’entendre. Tu t’en irais. Et moi, qu’est-ce que je deviendrais ? »
    Elle semblait frappée de paralysie.
    Il ajouta :
    « Je suis ici depuis deux ans et il ne m’est rien arrivé, Jeanne.
    –  Mais si cela arrivait ?
    –  Alors, je serais vite revenu. Au bout d’une semaine ou deux. C’est comme un voyage, rien de plus. Et maintenant, appelle le Schéhérazade. »
    Elle dit d’un ton hésitant :
    « Que vais-je dire ?
    –  Dis que tu as une bronchite. Essaie de parler d’une voix un peu enrouée. »
    Jeanne marcha vers le téléphone. Puis elle se ravisa, et vint rapidement se jeter dans ses bras.
    « Ravic !… »
    Il se dégagea doucement.
    « Allons ! dit-il. N’y pensons plus. Au fond c’est une bénédiction. Ça nous empêchera de jamais devenir des rentiers de l’amour. La passion reste pure… elle demeure une flamme, elle ne devient pas la poêle où on fait cuire la soupe aux choux. Va téléphoner. »
    Elle prit l’appareil. Il l’observa tandis qu’elle parlait. Au début le cœur n’y était pas ; elle continuait à le regarder comme si la police allait venir l’arrêter d’un instant à l’autre. Mais peu à peu elle se mit à mentir avec calme et facilité. Elle mentait même plus qu’il n’était nécessaire. Sa figure reflétait la souffrance qu’elle disait ressentir à la poitrine. Sa voix devenait plus fatiguée, plus enrouée et était finalement entrecoupée de quintes de toux. Elle avait cessé de regarder Ravic. Elle avait le regard fixé droit devant elle, complètement absorbée par son rôle. Il continua à l’observer, et avala une gorgée de calvados. « Aucun complexe, pensa-t-il. Un miroir qui ne contient rien, mais qui renvoie une image parfaite. » Jeanne reposa l’appareil et lissa ses cheveux.
    « Ils ont tout cru, dit-elle.
    –  Tu as été parfaite.
    –  Ils m’ont dit que je devais rester au lit, et ne pas venir demain si je n’étais pas tout à fait guérie.
    –  Tu vois !… Tu n’as pas besoin de t’inquiéter au sujet de demain.
    –  Tu m’as fait peur, Ravic, dit-elle en revenant vers lui. Dis-moi que tout ça n’est pas vrai. Tu dis souvent des choses pour le seul plaisir de les dire. Dis-moi que ce n’est pas vrai. Du moins pas aussi grave que tu l’as dit.
    –  Ce n’est pas vrai. »
    Elle appuya la tête sur l’épaule de Ravic.
    « Ce ne peut pas être vrai. Je ne veux plus être seule. Il faut que tu restes avec moi. Je n’existe plus sans toi, Ravic.
    –  Jeanne, parfois tu es comme la fille de la concierge, et d’autres fois comme Diane Chasseresse. Et d’autres fois comme toutes les deux.
    –  Et comment suis-je maintenant ?
    –  Maintenant, tu es comme Diane à l’arc d’argent. Invulnérable et mortelle.
    –  Voilà ce que tu devrais me dire plus souvent. »
    Ravic demeura silencieux. Elle n’avait pas compris sa pensée. Du reste ce n’était pas nécessaire. Elle prenait les choses comme elle le voulait, et ne s’occupait de rien d’autre. N’était-ce pas d’ailleurs justement ce qui l’attirait en elle ? Les êtres ne recherchent pas ce qui leur ressemble. Qui donc rechercherait la moralité en amour ? C’était l’invention des faibles. Et le chant de mort des victimes. Jeanne demanda :
    « À quoi penses-tu ?
    –  À rien.
    –  À rien ?
    –  Ou plutôt à quelque chose. Partons pour quelques jours, Jeanne. Allons où il y a du soleil. À Cannes ou à Antibes. Au diable la prudence ! Au diable les rêves d’appartements de trois pièces, et le cri de vautour de la bourgeoisie ! Au diable aussi la pluie et le froid ! N’es-tu pas Budapest et l’odeur des marronniers en fleur la nuit, lorsque toute la ville dort sous la lune ? »
    Jeanne était redressée.
    « Tu parles sérieusement ?
    –  Oui.
    –  Mais la police ?…
    –  Au diable la police ! Elle n’est pas plus dangereuse là-bas qu’ici. Les villes de touristes sont moins surveillées. Surtout les hôtels chers. Tu connais cette région ?
    –  Non. Je ne connais que l’Italie et l’Adriatique. Quand

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