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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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partirons-nous ?
    –  Dans deux ou trois semaines. Ce sera la meilleure saison.
    –  Avons-nous de l’argent ?
    –  Nous en avons un peu. Dans deux semaines nous en aurons suffisamment.
    –  Nous pourrions aller dans une petite pension…
    –  Les petites pensions ne sont pas faites pour toi. Il te faut un trou comme celui-ci, ou alors un hôtel de premier ordre. Nous irons à l’hôtel du Cap d’Antibes. C’est du reste plus prudent. Ces grands palaces sont infiniment plus sûrs, et on n’y demande jamais de papiers. D’ici quelques jours, je dois ouvrir le ventre d’un personnage d’importance, un gouverneur ou un ministre ; c’est de lui que viendra l’argent qu’il nous faut. »
    Jeanne se leva rapidement, le visage changé.
    « Viens, dit-elle. Reverse-moi de ce vieux calvados, Ravic ! C’est vraiment le calvados du rêve ! »
    Elle courut au lit et retira la robe noire.
    « Grand Dieu ! Je viens de songer que je n’ai rien à me mettre ! »

 
CHAPITRE XIV
     
     
     
    A NDRÉ DURANT était furieux.
    « Il devient vraiment impossible de travailler avec vous », déclara-t-il.
    Ravic se contenta de hausser les épaules. Il savait par Veber que Durant recevrait dix mille francs pour l’opération. À moins que Ravic ne s’entende à l’avance sur la question des honoraires, Durant lui donnerait seulement deux cents francs. C’est-ce qu’il avait fait la dernière fois.
    « Et vous me faites cette demande exorbitante une demi-heure avant l’opération ! Je n’aurais pas cru cela de vous, docteur Ravic. Vous savez que vous pouvez toujours vous fier à ma générosité. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi vous devenez tout à coup si méfiant. Il m’est extrêmement pénible de parler d’argent alors que notre patient se rend compte que nous tenons sa vie entre nos mains.
    –  Si vous croyez que c’est agréable pour moi ! » fit Ravic…
    Durant le considéra un instant. Le visage ridé à la barbiche blanche était empreint à la fois de dignité et d’indignation. Il rajusta son pince-nez.
    « Et vous exigez ?…
    –  Deux mille francs.
    –  Quoi ? »
    Durant semblait avoir reçu un coup de massue.
    « C’est ridicule, fit-il sèchement.
    –  Très bien, dit Ravic avec calme, vous trouverez sans difficulté quelqu’un d’autre. Prenez Binot, il est excellent. »
    Il prit son pardessus et l’enfila. Il était visible qu’une lutte intérieure se livrait chez Durant.
    « Attendez une minute, dit-il en voyant Ravic prendre son chapeau. Vous ne pouvez pas me laisser tomber comme cela ! Pourquoi ne m’avez-vous pas averti hier ?
    –  Vous étiez à la campagne, et il était impossible de vous atteindre.
    –  Deux mille francs ! Ignorez-vous que, moi-même, je ne demande pas cette somme ? Le patient est un de mes amis, à qui je ne réclamerai que les frais. »
    Durant ressemblait aux images de Dieu le Père qu’on voit dans les livres d’enfants. Il avait soixante-dix ans. Son diagnostic était sûr, mais il était assez médiocre chirurgien. Il était redevable de la plupart de ses nombreux patients au travail de son ancien assistant, Binot, qui avait finalement réussi, deux ans auparavant, à s’établir à son propre compte. C’est depuis ce moment que Durant prenait Ravic pour ses opérations compliquées. Ravic avait, auprès de ceux qui le connaissaient, la réputation de pratiquer de minuscules incisions, et de recoudre avec tant d’art, qu’il ne restait à peu près aucune cicatrice. Durant était grand connaisseur des vins de bordeaux, il était de toutes les soirées élégantes, et c’est dans le monde chic qu’il trouvait la majorité de ses patients.
    « Si j’avais su !… » murmurait-il.
    Il avait toujours craint quelque chose comme cela. C’est la raison pour laquelle il passait presque toujours à sa maison de campagne les deux journées qui précédaient une opération importante. Il tenait absolument à ne pas régler avant l’opération la question des honoraires. Après, c’était toujours plus facile. Il pouvait toujours promettre de faire mieux la prochaine fois. Mais cette fois, il se trouvait pris par surprise. Au lieu d’arriver juste à temps pour se mettre au travail, Ravic était venu plus d’une demi-heure à l’avance, et avait pu lui parler avant que le patient ne soit sous l’effet de l’anesthésique. Le meilleur prétexte lui échappait, pour couper court à l’entretien.

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