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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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Ça sera encore pire, alors.
    –  Tu pourrais être malade pendant quelques jours.
    –  Mais qu’est-ce que j’ai donc, Ravic ? Est-ce la pluie ? Est-ce cette humidité sombre ? Je me sens parfois comme si j’étais couchée dans un cercueil. Je suis noyée par ces après-midi de grisaille. Je n’y pensais plus tout à l’heure. J’étais heureuse d’être avec toi dans ce petit restaurant… Pourquoi donc fallait-il que tu parles de choses déprimantes, comme se quitter, s’abandonner ?… Je ne veux pas entendre ces choses-là. Elles m’attristent. Elles me font voir des images que je ne veux pas voir. Je sais bien que tu ne le fais pas dans cette intention, mais cela me brise, surtout quand viennent l’obscurité et la pluie. Tu ne connais pas cela, toi, tu es fort.
    –  Fort ? répéta Ravic.
    –  Oui.
    –  Et comment le sais-tu ?
    –  Tu n’as peur de rien.
    –  C’est parce qu’il ne me reste plus de craintes, Jeanne. C’est différent. »
    Elle ne l’écoutait pas. Elle se promenait avec agitation dans la pièce qui semblait de nouveau trop petite pour elle. En marchant, elle semblait toujours lutter contre un vent inexistant.
    « Je veux laisser tout cela en arrière, dit-elle. Quitter l’hôtel. Quitter cette boîte de nuit avec ses yeux pleins de convoitises. Je veux quitter tout ! »
    Elle s’arrêta de marcher.
    « Ravic, est-il nécessaire que nous vivions cette vie ? Ne pouvons-nous faire comme tous les gens qui s’aiment ? Ne pouvons-nous être ensemble, et nous entourer d’objets que nous ai mons ? Vivre dans la sécurité ? Ne plus avoir ces valises, ces jours vides, ces chambres d’hôtel où l’on se sent étranger ? »
    L’expression de Ravic était indéchiffrable. Ce à quoi il s’attendait était arrivé.
    « C’est vraiment ce que tu entrevois pour nous, Jeanne ?
    –  Pourquoi pas ? D’autres l’ont ! D’autres s’appartiennent, ont de la chaleur, quelques pièces à eux ? Quand ils ferment la porte, l’inquiétude reste dehors. Elle ne suinte pas à travers les murs comme ici !
    –  C’est vraiment ce que tu imagines, répéta-t-il.
    –  Oui.
    –  Un petit appartement rangé, et une bonne petite vie bourgeoise. Une jolie petite sécurité sur le bord de l’abîme. C’est-ce que tu vois ?
    –  Tu pourrais l’appeler autrement, répliqua Jeanne d’un ton de défi. Tu pourrais en parler avec moins de mépris. Quand on aime, on trouve d’autres mots.
    –  Mais la vérité demeure la même, Jeanne. Ni toi ni moi ne sommes faits pour ce que tu entrevois.
    –  Moi je le suis ! »
    Ravic eut un sourire où se mêlaient la tendresse, l’ironie et une ombre de tristesse.
    « Pas plus que moi, Jeanne. Ce n’est pas du reste la seule raison. Il y en a une autre.
    –  Oui, dit-elle amèrement. Je le sais.
    –  Non, Jeanne, tu ne sais pas. Je vais te la dire. Ça vaut mieux. Tu ne devrais pas penser ce que tu penses en ce moment. Je vais tout te dire. Je veux simplement que tu ne me poses pas de questions après. »
    Elle ne répondit pas. Son visage était vide d’expression. Elle avait retrouvé soudain le visage qu’elle avait eu auparavant. Il lui prit les mains dans les siennes.
    « Je vis en France illégalement, dit-il. Je n’ai pas de papiers. C’est ça, la vraie raison. C’est pour cela que je ne pourrai jamais louer un appartement. C’est pour cela que je ne suis pas libre de me marier, si j’aime quelqu’un. Il me faudrait des papiers d’identité et un visa. Je n’en ai pas. Je n’ai même pas le droit de travailler. Il faut que je le fasse en cachette. Je suis condamné à vivre toujours comme je vis aujourd’hui.
    –  Est-ce bien vrai ? » demanda Jeanne.
    Il haussa les épaules.
    « Il y a des milliers d’êtres qui vivent de la même manière. Je suis sûr que tu le sais. Tout le monde le sait de nos jours. Je suis un de ceux-là. »
    Il sourit et abandonna ses mains.
    « Je suis ce que Morosow appelle un homme sans avenir.
    –  Oui… mais…
    –  Oh ! J’ai même de la chance. Je travaille, je vis, je t’ai… Que sont mes quelques ennuis, auprès de tout cela ?
    –  Et la police ?
    –  La police ne s’inquiète pas beaucoup de cela. S’ils arrivaient à me prendre, ils m’expulseraient, voilà tout. Mais c’est peu probable. Et maintenant, va téléphoner à la boîte de nuit et dis que tu n’iras pas. Nous aurons toute cette soirée à nous. La soirée

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