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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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marchandise avant de payer. Une demi-douzaine d’hommes étaient déjà arrivés. Des commerçants d’âge moyen pour la plupart. C’étaient des experts qui ne prenaient pas de risques. Ils connaissaient les jours d’examen et ce n’est qu’alors qu’ils venaient. Yvonne était avec son vieux. Il était assis à une table, un verre de Dubonnet posé devant lui. Elle se tenait à ses côtés, un pied sur une chaise et buvait du Champagne. Elle recevait dix pour cent pour chaque bouteille. Le Champagne coûtait très cher. D’ordinaire, seuls les étrangers en commandaient. Yvonne sentait qu’on la regardait, et elle prenait des airs de dompteuse de cirque.
     
    « Un autre calvados ? » demanda Ravic.
    Jeanne fit signe que oui, et il appela le maître d’hôtel.
    « N’avez-vous pas un calvados plus vieux que celui-ci ?
    –  Il n’est pas bon ?
    –  Si, mais je pensais que vous en aviez peut-être du meilleur dans votre cave.
    –  Je vais voir. »
    Il se rendit au comptoir où somnolait la propriétaire. De là il pénétra par une porte vitrée dans la pièce où le patron vivait d’ordinaire au milieu de ses comptes. Il en ressortit un instant après, avec un air compassé, et sans regarder Ravic, se rendit à la cave. Il remonta avec une bouteille qu’il tenait précieusement entre ses mains. La bouteille ne portait pas d’incrustations pittoresques, comme les aiment souvent les touristes. Elle était sale et poussiéreuse, comme une bouteille qui a passé de nombreuses années dans une cave. Il la déboucha avec solennité, renifla le bouchon, et alla chercher deux grands verres.
    « Monsieur », dit-il à Ravic, en versant quelques gouttes.
    Ravic respira le parfum, goûta, et fit un signe approbateur, que le maître d’hôtel lui rendit.
    « Tiens, goûte ceci » fit-il, en tendant à Jeanne un des verres.
    L’homme l’observait. Elle prit une gorgée et regarda Ravic avec étonnement.
    « Je n’ai jamais rien bu de pareil ! Il faudrait presque le respirer plutôt que le boire.
    –  C’est tout à fait cela, madame, dit le maître d’hôtel avec satisfaction.
    –  C’est dangereux, ce que tu fais là, Ravic. Après ce calvados je n’accepterai jamais d’en boire de moins bon.
    –  Allons donc ! Tu en boiras de toutes sortes.
    –  Peut-être. En tout cas, je rêverai de celui-ci.
    –  C’est parfait. Tu verras que le calvados te rendra romantique.
    –  C’est dommage, car je n’aimerai plus les autres.
    –  Au contraire, ils ne t’en sembleront que meilleurs. Boire une liqueur en pensant à une autre, c’est tout à fait hors de l’ordinaire.
    –  Tu racontes des absurdités, dit Jeanne en riant.
    –  Évidemment, que je dis des absurdités. Il faut bien se rendre compte après tout qu’on vit d’absurdités, et non du pain noir de la réalité. Sans cela, qu’adviendrait-il de l’amour ?
    –  Tout cela n’a rien à voir avec l’amour, tu le sais bien.
    –  Au contraire, c’est tout cela qui l’entretient. Sinon, après avoir aimé une fois, nous ne voudrions plus de tout ce qui vient après. En réalité, un reste de désir pour l’homme que tu abandonnes, ou qui t’abandonne, devient une auréole sur la tête de son successeur. Le fait même d’avoir perdu un amour donne au suivant une sorte de charme romantique. C’est la plus ancienne des illusions.
    –  Rien ne m’est aussi odieux que de t’entendre parler comme cela.
    –  Je suis de ton avis.
    –  Alors ne le fais pas. Même pour rire. Tu ravales le miracle au rang de tour de passe-passe. »
    Ravic ne répondit rien.
    « Tu parles comme si tu en avais déjà assez, et comme si tu songeais à me quitter.
    –  Jeanne, dit Ravic avec une sombre tendresse dans la voix, tu n’as pas besoin de t’inquiéter pour cela. Quand ce moment sera venu, ce n’est pas moi qui partirai. C’est toi qui me quitteras. Cela, du moins, est-certain. »
    Elle posa brusquement son verre sur la table.
    « Quelle sottise ! Jamais je ne te quitterai. Chercherais-tu à me mettre des idées en tête ? »
    « Quels yeux ! pensa Ravic. C’est comme si un éclair flamboyait dans leurs profondeurs. »
    « Je ne veux rien te mettre en tête, Jeanne, dit-il. Je veux simplement te conter l’histoire de la vague et du rocher. C’est une histoire infiniment plus vieille que nous. Écoute ! Il y avait une fois une vague amoureuse d’un rocher qui s’élevait quelque part… disons

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