L'archer démoniaque
pâturer. Il n’a pas fallu longtemps pour qu’on trouve un animal de cette valeur et qu’on le cache.
— C’est la même chose que le corps découvert devant St Hawisia, remarqua Ranulf. Une flèche tirée dans la gorge. Escarcelle et sacoche dérobées.
— Amaury de Craon sera satisfait, observa le magistrat en s’essuyant les mains et en se relevant. Sir William, ce mire réputé était votre hôte. Lui ferez-vous des funérailles décentes ?
Le seigneur acquiesça.
— Mais qui peut bien être cet assassin, Sir Hugh ?
— Je l’ignore. Ce mystère, Sir William, ne fait que s’épaissir. Mais il me faut encore tirer sur un fil lâche. Je vous serai reconnaissant, Messire, de garder vos soldats hors de l’église.
Il regarda s’éloigner Jocasta et sa fille.
— Saviez-vous que cette pauvre enfant est la fille de votre frère ?
Il saisit un éclair d’étonnement dans les yeux de Sir William.
— Nous sommes tous pécheurs, Sir William. De grâce, prenez soin d’elles.
Et il retourna dans l’église en faisant signe à Ranulf de faire entrer l’ermite avec lui.
CHAPITRE XI
Corbett s’installa sur le banc et parcourut le rapport que Ranulf avait rédigé. Il trouvait parfois déconcertant de constater à quel point l’écriture de son compagnon imitait la sienne. Il se demandait confusément quels dangers cela pourrait représenter à l’avenir.
Frère Cosmas, qui s’était attardé pour bénir le corps, rentra à grands pas dans l’église. Le magistrat, sarcastique, remarqua la nervosité qui agitait à présent le franciscain. Ce dernier se rendit dans le choeur pour narrer à Verlian, toujours assis près de sa fille Alicia, ce qui s’était passé.
— Mon père n’était pas là quand il est mort, déclara-t-elle à voix haute.
Corbett se retourna.
— Du calme maintenant, Maîtresse ! dit-il d’un ton apaisant. Nous n’avons nulle preuve contre votre père.
La porte s’ouvrit et se referma. Ranulf remonta le bas-côté, suivi d’un Odo déterminé qui prit place sur le banc devant la table. C’était un homme encore jeune aux cheveux noir corbeau tombant sur les épaules. Quelques fils gris sillonnaient une barbe et des moustaches hirsutes. Il avait de grands yeux, un nez crochu, un visage mat et buriné. Le magistrat examina son regard : inquiet, anxieux ? Il regarda les mains de l’homme enveloppées de bandages trempés de sang. Ses pieds nus dans des sandales plutôt éculées étaient sales et crevassés. Sa robe, autrefois vert bouteille, était à présent déchirée et souillée de sueur. Un morceau de corde de chanvre enserrait sa taille.
— Vous savez pourquoi vous êtes céans ? commença Corbett.
Il eut conscience que frère Cosmas revenait et s’asseyait sur un tabouret. Ranulf s’était installé, avait sorti une plume neuve et s’occupait à inscrire le nom de l’ermite.
— Maître Ranulf m’a expliqué qui vous étiez, répondit Odo d’une voix douce et cultivée qui contrastait grandement avec son aspect. Il m’a aussi précisé les raisons de votre présence, mais non pourquoi vous voulez m’interroger.
— Ce n’est pas un interrogatoire. Nous voulons plutôt vous demander ce que vous savez, si vous savez quelque chose, sur les circonstances qui ont conduit au meurtre de Sir Henry Fitzalan.
— Je suis un ermite. Je vis dans la grotte de la Gueule du Dragon. Je passe ma vie en prières et pénitences. Pour la rémission de mes péchés et des vôtres.
— Merci, dit Corbett.
Il posa les mains sur la table.
— Je sais quels sont mes péchés, Messire Odo. Mais les vôtres ?
L’ermite lui répondit par un regard surpris.
— Vous n’êtes point un homme d’Église, reprit le magistrat. Vous n’êtes pas protégé par ses lois. Je peux exiger votre aide et vous devez me l’accorder. Selon vos propres dires, vous demeurez dans la forêt d’Ashdown. Vous avez dû entendre, voir des choses qui peuvent nous intéresser.
— J’étais en prière quand Lord Henry a été tué. Je quitte rarement ma grotte.
Il leva ses mains bandées.
— Je suis né avec une pourriture de la peau. Je ne peux me servir de mes mains pour travailler, alors je prie pour les fidèles de Dieu.
— Et comment subsistez-vous ? s’enquit Corbett, curieux.
— La bonté et la générosité des habitants des bois sont bien connues.
— Ils vous apportent nourriture et boisson ?
— J’aimerais pouvoir dire que,
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