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L'archipel des hérétiques

L'archipel des hérétiques

Titel: L'archipel des hérétiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mike Dash
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justice dans
les meilleurs délais 19 . Il réunit donc le conseil du Sardam, renforcé de deux hommes du Batavia, pour former le Conseil élargi qui
seul avait autorité pour juger les affaires criminelles. Les membres de ce
conseil étaient, outre le commandeur lui-même, Jacob Jacobsz Houtenman 19 ,
capitaine du Sardam, Sijmon Yopzoon, premier maître d'équipage, et Jan
Willemsz Visch 20 , qui était vraisemblablement le prévôt du Sardam. Les représentants du Batavia étaient Claes Gerritsz, chef
timonier, et son second, Jacob Jansz Hollert. En au moins une occasion,
Gijsbert Bastiaensz y siégea, lui aussi, pour remplacer l'un des membres,
retenu par ailleurs. Mais, plus curieusement, le clerc chargé de transcrire les
procédures n'était autre que Salomon Deschamps, qui avait activement pris part
tant à la mutinerie qu'aux massacres. Il ne se contenta d'ailleurs pas de
transcrire les interrogatoires et de noter les sentences rendues - il signa de
sa main plusieurs des décrets du conseil et participa donc aux délibérations,
lors des jugements rendus contre ses excomplices. Il ne serait pas impossible
que Pelsaert ne se fut avisé que bien plus tard de la culpabilité de
l'assistant. Deschamps lui-même dut garder le silence quant au rôle qui avait
été le sien dans les massacres. Mais il est plus difficile d'imaginer une telle
discrétion, de la part des mutins. Peut-être le commandeur avait-il
aveuglément confiance en son ancien collaborateur - ou peut-être Deschamps
était-il tout bonnement le meilleur scribe qu'il eût sous la main.
    Une fois les procédures lancées, les prisonniers furent
rassemblés et isolés sur l'île aux Otaries, où leur présence était moins
dangereuse que sur le Sardam. Les interrogatoires se tenaient sur le
Cimetière du Batavia. Le commandeur interrogeait séparément
chaque mutin. Il posait les questions, notait les réponses et faisait appeler
des témoins, pour se faire confirmer ce qu'il avait entendu. La plupart des
hommes de Jeronimus furent interrogés à plusieurs reprises et pendant plusieurs
jours. Les informations ainsi recueillies pouvaient servir à recouper d'autres
déclarations. Il semblerait, d'après les résumés rédigés par Salomon Deschamps,
que certains des survivants de l'île et certains des Défenseurs furent eux
aussi appelés à témoigner, mais très peu de leurs déclarations ont été
consignées dans les transcriptions du procès. Tous les témoignages qui nous
sont parvenus proviennent des mutins eux-mêmes.
    Les procédures furent menées conformément à la loi
hollandaise 21 , mais ce n'était pas un procès au sens moderne du
terme, puisque les mutins n'avaient pas d'avocats et ne pouvaient faire
intervenir des témoins pour étayer leur propre défense. Le principal écueil,
pour Pelsaert, était d'arracher aux accusés des témoignages fiables et
recevables, car sur ce point les lois hollandaises étaient strictes : un
prévenu soupçonné de meurtre ne pouvait être condamné que sur la foi d'aveux
faits « de son plein gré ». Comme il est exceptionnel qu'un suspect avoue
spontanément un crime passible de la peine capitale, le Conseil élargi pouvait
légalement mettre à la torture les prisonniers lorsqu'ils refusaient de
répondre à certaines questions, ou lorsqu'il s'estimait fondé à douter de la
véracité de leurs déclarations. En soi, une confession faite sous la torture ne
suffisait pas à justifier la condamnation. Il fallait pour cela que le
prisonnier accepte de confirmer ses aveux dans les vingt-quatre heures. Mais
comme des rétractations entraînaient de facto un durcissement des
interrogatoires, il n'était pas rare que les suspects acceptent de confirmer
leurs « aveux » pour s'éviter des souffrances inutiles.
    Jeronimus fut le premier à être soumis à la question.
L'intendant adjoint avait tout nié en bloc, lorsqu'il avait comparu devant
Pelsaert sur le Sardam, mais ses déclarations avaient été brutalement
contredites par celles de Jan Hendricxsz, qui avait spontanément avoué. Le commandeur n'hésita donc pas à y revenir, dès que le Conseil élargi se fut
réuni sur l'île des mutins - « afin, expliqua-t-il, d'apprendre la vérité de sa
bouche même, puisqu'il a jusqu'ici essayé de se disculper avec force beaux
discours, en tâchant d'incriminer des hommes qui sont à présent morts et ne
peuvent plus répondre d'eux-mêmes ».
    Si Cornelisz avait été détenu en Hollande, il aurait

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