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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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en route pour affronter Cyrus, la reine s’était elle aussi déplacée avec sa suite, sa garde-robe et ses servantes : elle voulait être proche du champ de bataille et connaître au plus vite l’issue du combat. N’importe quelle femme eût été accablée à l’idée de perdre un de ses fils, peu importât lequel ; elle, elle espérait que Cyrus l’emporterait et, par conséquent, que son frère serait tué.
    « Tu as raison, affirma Durgat. Elle méritait un châtiment, et elle l’eut. Cyrus périt, et on lui annonça la nouvelle sans lui cacher le moindre détail de l’horrible massacre. En réalité, personne n’est en mesure de dire qui avait frappé le prince à mort. Selon certains témoins, les deux frères s’étaient affrontés en s’infligeant de profondes blessures, mais il est impossible d’établir à quel moment et de quelle main Cyrus mourut.
    — Les nôtres n’étaient pas sur le champ de bataille quand cela s’est produit. Ils poursuivaient l’aile gauche de l’ennemi qu’ils avaient mis en fuite, ne cessant de s’éloigner de la mêlée.
    — Une chose est certaine : un fer de lance avait blessé le roi Artaxerxès à la poitrine, perforant sa cuirasse et s’enfonçant dans sa chair. Le médecin grec qui est ensuite venu négocier avec vous l’avait recousu et soigné après avoir mesuré la profondeur de la plaie à l’aide d’un stylet d’argent : deux doigts. »
    Le Grand Roi avait apprit la mort de son frère de la bouche d’un soldat originaire de la Carie, qui lui avait montré le caparaçon ensanglanté du prince et avait déclaré avoir vu son cadavre. Quand tout fut terminé, Artaxerxès le convoqua dans l’intention de le récompenser, mais l’homme, qui s’attendait à plus, protesta. Affirmant désormais qu’il avait tué Cyrus de ses propres mains, il objecta que le présent n’était pas à la hauteur de son exploit.
    « Indigné, Artaxerxès ordonna qu’on lui coupât la tête, mais la reine mère s’y opposa : une mort rapide n’était pas un châtiment suffisant pour un individu qui s’était montré aussi insolent et ingrat envers le Grand Roi. “Confie-le-moi, dit-elle, je saurai lui infliger une peine qui ôtera à quiconque toute envie de te manquer de respect.” »
    Artaxerxès accepta : sans doute voulait-il croire que sa mère l’aimait vraiment et qu’elle entendait laver l’affront dont il avait été l’objet. Or celle-ci ne cherchait qu’à se venger. Et à se venger avec une méchanceté qui était le reflet de son âme.
    Le récit de Durgat m’horrifia. Il n’y a, en effet, rien de plus terrible au monde que de tomber à la merci d’un être humain qui vous déteste, car il n’y a pas de limites aux souffrances qui vous attendent. Animée par une cruauté qui l’emportait sans doute sur le chagrin que lui causait la perte de son fils adoré, Parysatis fit attacher l’homme dans la cour du palais et appela les bourreaux. Elle réclama les plus habiles, des individus capables d’infliger toutes les tortures qu’un corps puisse supporter sans en mourir, de jouer avec la mort en l’empêchant d’étendre une aile bienveillante sur la victime.
    Chaque jour, elle pénétrait dans la cour à bord d’un palanquin et, assise à l’ombre d’un tamaris, contemplait des heures durant les souffrances atroces du malheureux. Et comme, la nuit, ses gémissements la dérangeaient dans son sommeil, elle ordonna qu’on lui coupât la langue et lui cousît les lèvres.
    Elle assista pendant dix jours au spectacle infâme d’un homme réduit à un amas informe de chairs lacérées. Et quand elle décida de lui donner le coup de grâce, ce ne fut pas par pitié, mais parce que ce passe-temps avait cessé de l’amuser.
    Elle voulut qu’on lui arrachât les yeux et qu’on versât du cuivre fondu dans ses oreilles.
    Durgat s’interrompit à la vue de mon air horrifié, de mon regard atterré et de mes larmes, qui traduisaient mieux que des mots les sentiments que cette histoire si féroce suscitait en moi. Elle jeta un regard circulaire, comme pour reprendre contact avec la réalité, et poursuivit :
    « Un autre homme s’était vanté d’avoir tué Cyrus. Il se nommait Mithridatès. Le roi Artaxerxès lui avait donné une magnifique récompense : une tunique en soie et un cimeterre en or massif. Mithridatès avait, en effet, blessé d’un coup de javelot à la tempe le prince, que le roi, racontait-on, avait

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