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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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avait servi la reine Parysatis. Je demandai à Xéno l’autorisation de la prendre sous mon aile : elle me permettrait de recueillir des renseignements intéressants. De fait, j’appris de sa bouche une terrible histoire. L’histoire des deux fils de Parysatis, qui se vouaient une haine implacable, et celle de leur mère, animée par une terrible soif de vengeance, ayant été privée d’une façon atroce de son préféré. Le prince Cyrus.

12
    « Comment est elle ? » Telle fut la première question que je posai, émerveillée à l’idée de m’entretenir avec un être qui avait côtoyé la reine, qui l’avait touchée, coiffée…
    « Qui ?
    — La reine mère. Décris-la-moi. »
    La fille qui parlait ma langue s’appelait Durgat. Quelques jours plus tôt elle comptait encore parmi les domestiques de Parysatis qui la servaient dans sa résidence d’été, sur les hauteurs situées à l’ouest du moyen Tigre.
    « Elle est grande et mince. Elle a des yeux sombres et profonds qui vous font trembler quand elle vous fixe. De très longs cheveux tirés sur la nuque. Des doigts fins qui évoquent des serres. Elle est… crochue… coupante… Son sourire la rend encore plus effrayante, car tout le monde sait que ce qu’elle préfère au monde est la souffrance d’autrui. Malgré tout, ceux qui la servent lui sont fidèles et dévoués. La terreur qu’elle insuffle est si grande que le moindre petit cadeau de sa part, la moindre attention, suscite une immense gratitude.
    — Pourquoi s’est-elle installée sur ces territoires ?
    — Elle n’était pas venue se distraire ici, mais se rapprocher du lieu de l’affrontement, du duel des deux frères.
    — Et toi, que faisais-tu dans ces villages ?
    — L’eunuque en chef du palais m’avait chargée, tout comme un certain nombre de servantes et de gardes, d’aller y chercher des denrées alimentaires pour la Cour. C’est là que les tiens nous ont capturés.
    — Je le sais. Et tu aurais sans doute échoué sous la tente d’un soldat si je n’étais pas intervenue. Je suis l’amie d’un homme important. Raconte-moi ce que tu sais et tu bénéficieras de notre protection. »
    Elle acquiesça, rassurée. Le fait que je parlais sa langue maternelle lui inspirait confiance. Elle me relata ce qu’elle avait entendu dans les appartements des dames de compagnie de la reine et me rapporta les confidences des eunuques. Un long récit, qui se prolongea au cours des jours suivants et fut interrompu par les vicissitudes de notre marche, pour reprendre un peu plus tard.
    « Cyrus ne se considérait pas comme un usurpateur, il était persuadé que le trône lui revenait. Certes, il était plus jeune que son frère, mais son père régnait à sa naissance, alors qu’il était encore un homme ordinaire quand naquit Artaxerxès. Il estimait donc qu’il était le seul prince royal. Il circule au palais une histoire que je ne peux te raconter, car si la reine mère l’apprenait elle me ferait couper la langue.
    — Qu’a-t-elle donc de si terrible ?
    — C’est un motif de honte pour le prince Cyrus. Eh bien, voilà… on prétend que, le jour de l’investiture royale, Cyrus s’était caché dans une petite chapelle du sanctuaire du Feu, afin d’attenter à la vie d’Artaxerxès. Mais les gardes du corps veillaient, à moins qu’ils n’eussent été informés. Ils fouillèrent les lieux.
    « Ils débusquèrent le prince, armé d’un poignard, et le traînèrent au centre de la salle du couronnement pour le tuer sous les yeux du Grand Roi. La reine mère se jeta sur lui en criant au moment où le cimeterre allait lui trancher la tête, elle le protégea de son corps, le couvrit de son manteau, invoquant la pitié de son fils aîné. Personne n’osa le toucher.
    « Les courtisans pensaient qu’Artaxerxès se vengerait un jour ou l’autre, mais, à force d’amabilités et d’égards, Parysatis gagna sa confiance et le persuada de confier à Cyrus le gouvernement de la province située le plus à l’ouest de l’Empire, la Lydie, sous prétexte de l’éloigner. »
    Cette histoire m’émouvait : l’empereur du monde, le roi des rois, l’homme le plus puissant de la terre, n’était donc qu’un enfant devant sa mère et lui obéissait sans hésiter ! Mais, me demandais-je, quel genre de femme était Parysatis ? Un « utérus de bronze », comme on le disait dans ma région ?
    Quand l’armée d’Artaxerxès s’était mise

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