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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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ensuite tué de sa propre main, bien que touché à la poitrine. Certains soutenaient que c’était Mithridatès, et non le soldat de Carie, qui avait apporté au Grand Roi le caparaçon ensanglanté de Cyrus.
    « Un soir, il fut invité à un banquet que la reine avait organisé en cachette et auquel participait l’un de ses fidèles eunuques. Le vin coulait en abondance. Une fois que Mithridatès se fut enivré, l’eunuque le provoqua, affirmant qu’il aurait été capable, lui aussi, d’apporter un caparaçon au Grand Roi, même s’il n’était pas un grand guerrier. Mithridatès leva la main en s’écriant : “Cesse donc de jacasser ! Voici la main qui a tué Cyrus.
    “– Et le roi ?
    “– Le roi peut dire ce qui lui chante. C’est moi qui ai occis le prince !”
    « Ces propos étaient une manière de traiter le roi de menteur. Il les cria devant une vingtaine de témoins, signant ainsi sa condamnation à mort.
    « À la vue du rictus satisfait de l’eunuque, les convives comprirent ce qui attendait leur compagnon. Ils baissèrent la tête, et le maître de maison déclara : “Ces discours nous dépassent. Pensons plutôt à manger, à boire, à savourer cette soirée. Personne ne sait de quoi les lendemains sont faits.”
    « La mort de Mithridatès fut également l’œuvre de la reine mère, qui demanda de nouveau qu’on lui permît de venger l’honneur du roi son fils. Les amis de l’homme tentèrent de le disculper en disant qu’il avait parlé sous l’emprise du vin. Mais l’eunuque rappela le vieux diction : “La vérité est dans le vin”, et objecta que l’accusé avait exprimé tout haut ses pensées.
    « Parysatis inventa pour Mithridatès un supplice particulièrement pervers, celui des deux huches. »
    Je priai Durgat de se taire, car je n’avais ni le courage ni la force de supporter le récit d’autres atrocités. C’est alors qu’une voix retentit : « Moi, en revanche, je suis curieux de l’entendre, et je sais que tu manies assez bien le grec. Je t’ai entendue le parler quand les nôtres t’ont capturée. »
    Ménon de Thessalie se tenait derrière moi – peut-être depuis un certain temps.
    « Va-t’en ! lui lançai-je. Xéno ne va pas tarder. Il sera furieux de te voir en ma compagnie.
    — Je ne fais rien de mal. Et je sais que tu es l’amie de Mélissa. Nous avons donc quelque chose en commun. »
    Il avait à la main gauche une coupe de vin de palme, une coupe en céramique très fine, comme celles que les Grecs utilisent lors de leurs réceptions. La blancheur de sa cape et le fait que des objets aussi raffinés et aussi fragiles l’accompagnaient dans ce voyage mouvementé me semblait très mystérieux. Durgat continua son histoire en grec, ce à quoi je ne m’attendais guère. Nul doute, elle constituait un atout important dans le palais de la reine mère. Je m’apprêtai à sortir.
    « Tu as le cœur trop tendre et l’estomac trop faible, commenta Ménon d’un ton sarcastique. Tu n’as pas envie de connaître le supplice des deux huches ? Alors je vais t’expliquer moi-même en quoi il consiste. Avant de partir, je me suis renseigné sur les usages et les coutumes de cette terre afin d’être à même de réagir si j’étais capturé. Voilà ce dont il s’agit. On te conduit en plein désert, dans un endroit brûlé par le soleil. On te ligote, les mains et les pieds et te pousse dans une sorte de huche, assez grande pour te contenir. On en place une deuxième dessus, à l’extrémité de laquelle on a creusé un trou afin de laisser ta tête dépasser en plein air. On étale sur ton visage un mélange de miel et de lait qui attire mouches, taons et guêpes. En l’espace de quelques instants, ta peau se couvre d’insectes. Des araignées, des scolopendres, des scarabées accourent pour banqueter à leur tour. Ainsi que des fourmis, des milliers de fourmis affamées. Enfermé dans cette espèce de cercueil, tu ne peux pas bouger. Une fois le miel dévoré, ces bêtes ignobles s’attaquent à ta peau et la réduisent rapidement à l’état de masque de sang.
    — Ça suffit ! m’écriai-je.
    — Tu peux t’en aller, répondit Ménon. Personne ne te retient. »
    Mais je restai : ces horreurs avaient un étrange effet sur moi, comme un poison qui vous endort lentement et vous tourmente. Je me disais qu’il était juste de tout apprendre au sujet des êtres humains, de savoir ce que la vie peut vous réserver,

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