Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
Vom Netzwerk:
produit quelques jours avant que Durgat se rendît dans les villages avec d’autres domestiques et une escorte.
    Elle était présente, une corbeille de figues dans les bras, quand le roi reprocha à sa mère d’avoir infligé une mort atroce à un bon serviteur. La reine haussa les épaules : « Que d’histoires pour un vieil eunuque sans valeur. Moi, je n’ai pas pipé quand j’ai perdu mes mille dariques d’or ! » Puis elle saisit une figue, la pela avec une lenteur ostensible et mordit dedans en retroussant les lèvres comme une tigresse.
    Le récit de Durgat s’achevait lorsque Xéno apparut. Se trouvant nez à nez avec Ménon de Thessalie, il l’interrogea : « Que fais-tu ici ?
    — Je passais par là.
    — Eh bien ! passe ailleurs. » Je vis la main de Ménon glisser vers la garde de son épée, mais je plantai mes yeux dans les siens afin de le dissuader d’utiliser son arme. Il secoua sa tête blonde et ricana. « Une autre fois, écrivain. Nous en aurons bien le temps. En attendant, dis à ta belle de te raconter ces histoires. Elles t’intéresseront. » Et il s’éloigna, son absurde cape blanche gonflée par le vent, comme une voile.
    Je demandai à Durgat si elle préférait retourner auprès de la reine ou nous accompagner. « Tu es libre, mais c’est à toi de décider. Si tu nous accompagnes, sache que nous atteindrons la côte dans quelques mois. Il y a là des villes magnifiques qui donnent sur la mer, un bon climat et des champs fertiles. Tu pourrais peut-être te marier avec un gentil garçon et fonder une famille. »
    Durgat baissa la tête. C’était une jolie fille aux cheveux et aux yeux très noirs, au teint brun. Elle s’habillait avec une certaine élégance et portait au cou une petite ambre qui pendait à un fil d’argent.
    « Tu es très gentille, mais je suis en sécurité chez la reine. Il suffit de n’avoir ni oreilles ni yeux, de ne pas voir, de ne pas entendre, d’obéir, y compris lorsqu’on ne te dit rien, de prévoir les pensées de ma maîtresse et de satisfaire chacun de ses désirs… Alors, tout va bien. »
    Ce « tout va bien » me surprit dans la bouche d’un être qui avait assisté à des actes d’une férocité inimaginable, qui était au service d’une bête humaine capable d’une cruauté sans limite et de brusques changements d’humeur. Nul doute, lorsqu’on est privé de sa liberté et de sa dignité, on s’adapte à tout.
    Durgat poursuivit : « Tu agis certainement par amour, et je te comprends. Moi, cette vie ne me convient pas, mais ce n’est pas la seule raison… » Elle s’interrompit en posant sur moi un regard intense, un regard qui contenait un message, comme le mien lorsque j’avais imploré Ménon de Thessalie de ne pas dégainer son épée. Elle ne prononcerait pas un mot de plus, elle m’avait déjà avertie qu’elle n’avait « ni yeux, ni oreilles », qu’elle ne voyait ni n’entendait. Mais quoi ? Que refusait-elle de me dire ? Elle m’offrait un présent dont le sens m’échappait. Je m’abstins de la questionner, comprenant que ce serait vain : son attitude était éloquente. Elle m’avait déjà donné ce qu’elle pouvait me donner, et la seule idée de révéler un secret suffisait à la rendre muette. Car elle avait déjà décidé de regagner sa cage.
    « Je demanderai à Xéno de te laisser ici. Tes amis ou les hommes de Tissapherne qui campent à une parasange d’ici, en direction de l’ouest, t’emmèneront.
    — Je t’en suis très reconnaissante. Crois-moi, j’aurais eu plaisir à rester avec toi, à devenir ton amie. Tu me ressembles. Peut-être parce que nous venons de la même région. Je suis originaire d’Alep.
    — Peut-être », répondis-je, et je suivis un instant son regard : il s’attardait sur une modeste colline, derrière les villages, où j’aperçus la cape blanche de Ménon.
    Xéno m’appela. J’entrepris alors de préparer le dîner.
    Remarquant ma distraction, il m’interrogea : « À quoi penses-tu ?
    — À la fille que nous avons trouvée ici. Je lui ai promis que tu lui rendrais sa liberté.
    — Bien sûr. Tu es trop jalouse pour accepter qu’une jeune personne séduisante partage notre tente. Je me trompe ?
    — Non, tu ne te trompes pas, répondis-je avec un sourire. Alors je peux lui dire qu’elle retournera d’où elle est venue ?
    — Oui. Espérons qu’il ne lui arrivera pas malheur.
    — Durgat appartient à la

Weitere Kostenlose Bücher